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Quatre poils valent mieux qu’un

La fourrure d’un Mammifère présente une structure complexe. Elle est constituée de plusieurs types de poils chacun alimenté d’un réseau nourricier et d’un câblage nerveux diversifié auquel sont associées des glandes dermiques. Le pelage assure plusieurs fonctions : isolation thermique infra rouge et des rayons ultra violets, imperméabilité, camouflage pour détourner les prédateurs, affirmation d’une identité visuelle pour être reconnu par les siens et inviter à la prudence les éventuels prédateurs, et aussi transmettre aux organes des sens des informations tactiles, chimiques et thermiques sur l’environnement. L’analyse optique des différents types de poil renseigne sur le mode de fonctionnement de chacun en particulier les poils de garde, antennes sensibles aux rayons infra rouges (1).
« Les poils sont des écailles de reptiles qui ont frisé » aimaient à énoncer l’un de mes maitres, grand amateur de formules-choc teintés d’humour, marque de qualité des pédagogues de terrain. Aujourd’hui il pourrait ajouter grâce à des travaux récents que le même raccourci s’applique à l’apparition des plumes chez d’autres héritiers des reptiles, les oiseaux (2). Mais ceci est une autre histoire, et pour l’heure examinons au plus près l’anatomie de nos poils, de nous les Mammifères, en prenant pour exemple la fourrure de la souris, Mus musculus, si proche de nous jusqu’à picorer dans nos assiettes.
Les souris ont quatre types de poils : un poil long et épais qui ne représente qu’environ 1% du nombre total de poils sur le corps, le poil de garde ; des poils plus courts dénommés poinçon et auchène qui constituent environ 23% des poils ; et un cheveu fin appelé le zigzag qui représente 76% des poils. Ce dernier constitue ce que communément on dénomme la bourre, véritable matelas isotherme qui forme une doudoune au plus près du derme.
La figure suivante illustre le mode de nourrissage et d’innervation de chacun d’eux. On note que pour le réseau nerveux, les connexions sont codés de différents types de LTMR. Cet acronyme doit se lire « Low-Threshold Mechano Receptor » = Dispositifs mécaniques basse fréquence, et on peut voir que 4 codes d’influx sont distingués qui innervent les différents types de poils.

Figure 1 Innervation des différents types de poils de la peau des Mammifères. D’après A. Zimmermann, Ling Bai et D.D. Ginty, Harvard Medical School. On note la présence de thermo récepteurs autour des poils de garde. Dès lors on peut supposer que la structure de chacun des types de poil est adaptée pour capter différents signaux chimiques ou physiques qu’ils transmettent au cerveau pour interprétation.
L’équipe à l’origine des travaux cités s’est interessée en particulier aux poils de garde et a scruté leur architecture en microphotographie chez 3 espèces : la souris, Mus musculus, la musaraigne, Sorex araneus, et un petit marsupial, Antechinus agilis de même taille et morphologie que la souris.
La figure 2 montre une photo micrographie de poils de Mus musculus avec deux poils en zigzag et un poil de garde beaucoup plus large. Elle illustre la structure en bandes foncées et claires caractéristique des poils de mammifères. L’espacement des raies est compris entre 6 et 12 µm et varie peu d’une espèce à l’autre : les mesures des bandes etcellules montrent que la musaraigne de 4 g, Sorex minutus, a un espacement de bande similaire à celui du lapin européen de 2 kg, Oryctolagus cuniculus. Ces dimensions sont compatibles avec les longueurs d’onde du rayonnement infrarouge.

Figure 2 Deux types de poil chez le souris, zigzag et de garde illustrant la souris Two hair-types from Mus musculus avec un espacement des raies compatibles avec la capture d’ondes infra rouges Des poils fossiles sont attestés chez les plus anciens mammifères dès le Jurassique. Mais leur structure observée chez les placentaires et les marsupiaux actuels différent bien que chez les uns comme chez les autres ils soient tout aussi performantes pour capter les signaux infra rouges. Il s’agit d’un phénomène de convergence fréquemment observé au cours de l’évolution des organismes qui doivent s’adapter aux mêmes contraintes environnementales et recourent à des solutions différentes.
La Figure 3 permet de comparer l’espacement des bandes et les cuticules en écaille des poils en zigzag et de garde de la souris Mus musculus et du marsupial Antechinus agilis d’Australie de même taille et aspect.
Ceux qualifiés de zigzag ont la même architecture interne. Pour les poils de garde elle diffère. A la base ils ont une structure en forme de râpe : sur l’extrémité distale l’espacement des bandes chez la souris est en échelle avec au centre une zone alvéolée, alors que l’antechinus la structure est scalaire sans alvéoles.

Figure 3 Poils zigzag et de garde de Mus et Antechinus et espacement des raies en micron de leur base au sommet. On peut envisager que les dimensions en micron des structures de la charpente des poil de garde chez l’une comme chez l’autre espèce rendent possible et favorisent la détection des sources de rayons infrarouges émises par les prédateurs, oiseaux et mammifères carnivores de longueur d’onde compatible avec la structure de ces poils. Ce n’est pas un hasard. Cette adaptation est un gage de survie pour ces espèces qui grâce à leurs poils de garde sont aptes à interpréter les signaux de danger dans leur environnement, en particulier la nuit qui est leur domaine d’activité privilégié. Pour résumer, les poils de garde se révèlent-ils des antennes sensibles aux signaux infrarouges des ennemis.
Une deuxième adaptation, qui s’applique à ces petits mammifères qui des exigences métaboliques élevées grâce à leur fourrure épaissie par les poils zigzag, leur refroidissement infrarouge radiatif est réduit au minimum. La capacité de rester inerte en tant qu’émetteur de signaux infra rouges vis-à-vis des prédateurs est dans cette perspective un autre volet qui les protège des prédateurs.
IL reste que l’on est loin d’avoir fait le tour de la question sur le sujet des fonctionnalités et adaptations des différents phanères de la fourrure des Mammifères de même que sur les cellules sensorielles et les glandes sudoripares de la peau. Le sens du toucher au sens large reste à ce jour l’un des plus méconnu, et à peine ébauché, ce champ de recherche s’avère prometteur dans le domaine des études de photonique et des applications qui pourraient en découler.
- Baker IM. 2021 Infrared antenna-like structures in mammalian fur. R. Soc. Open Sci. 8: 210740. https://doi.org/10.1098/rsos.210740
- (2) N. N.Di-Poi M. C. Milinkovitch. 2016. The anatomical placode in reptile scale morphogenesis indicates shared ancestry among skin appendages in amniotes. Science Advances, Vol. 2, no. 6, e1600708 DOI 10.1126/sciadv.1600708
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Prévoir la diffusion du Covid 19 chez les Mammifères
L’origine du virus SARS-CoV-2, agent de la pandémie dite Covid 19 qui affecte de nos jours l’ensemble des humains ne fait guère de doute : l’hôte initial était un autre Mammifère, probablement une chauve-souris. Mais depuis le début de la pandémie, la donne a changé : c’est notre espèce qui est devenue le principal réservoir du virus SARS-CoV-2 qui provoque les troubles que l’on sait jusqu’à entrainer la mort de ses victimes. Aussi aujourd’hui, la population humaine dans son ensemble est devenue un danger pour les 5400 autres espèces de Mammifères qui peuplent la planète. A tout instant, « notre » SARS-CoV-2 est susceptible d’infecter l’une d’elles, et déjà plusieurs cas d’animaux infectés par ce virus par des humains ont été signalés, en particuliers chez des élevages de vison au Danemark et aux Pays-Bas.
La virulence et la capacité du SARS-CoV-2 à se diffuser dans les populations de Mammifères est due à son mode performant de pénétration dans les cellules de l’hôte visé : pour ce faire, il utilise un récepteur de surface de cellules largement répandu, le récepteur de l’enzyme de conversion dite angiotensine enzyme 2 (ACE2) présente chez tous les principaux groupes de Vertébrés.
L’omniprésence de l’ACE2 et ses qualités ubiquistes associées à la prévalence élevée du SRAS-CoV-2 dans la population humaine à l’échelle du globe expliquent les multiples infections observés depuis l’émergence du SARS-CoV-2 en 2019 chez d’autres espèces de Mammifères, aussi bien sauvages que domestiques et aussi chez certaines pensionnaires de zoo.
Il est à craindre que dans un court laps de temps, toutes ces infections venues du genre humain et portées par ces nouveaux hôtes, en retour deviennent des foyers de contamination susceptibles de nous infecter, et ce avec des qualités de résistance modifiées et plus dangereuses dans les effets sur notre espèce.
Cibler la lutte contre la propagation du SRAS-CoV-2 à partir des nouveaux réservoirs d’infection dus aux échanges entre humains et animaux, est donc devenu un impératif. Cela veut dire qu’il faut informer sur les risques de transmission en premier lieu les professionnels qui assurent la gestion de parcs animaliers et d’animaux d’élevage, vétérinaires, gardiens de zoo et éleveurs.
Mais le problème achoppe sur notre connaissance insuffisante des séquences du récepteur ACE2 de nombreuses espèces de mammifères : sur 5400 espèces, seulement 326 sont déposées dans les banques de données.
Pour surmonter cet obstacle une équipe de chercheurs propose d’identifier les espèces de mammifères avec une «capacité zoonotique» élevée, donc de contracter le SRAS-CoV-2 et de le transmettre à d’autres animaux (1). La méthode qu’ils ont mise au point pourrait aider à étendre la capacité prédictive des systèmes de traitement des maladies au-delà de la COVID-19.
Ils proposent de repérer les espèces les plus dangereuses à partir d’ une combinaison qui tient compte de leurs caractéristiques écologiques et biologiques, en particulier phylogénétiques, et en y intégrant les données issues de HADDOCK (High Ambiguity Driven protein-protein Docking). Cet acronyme correspond à une plateforme intégrative utilisée pour la modélisation des complexes bio moléculaires. Il prend en charge une grande variété de données et peut traiter des assemblages multi-composants de protéines, peptides, petites molécules et acides nucléiques, entre autres celles concernant le récepteur ACE2.
Après calculs et modélisation, cette équipe vient de présenter ses premières suggestions en identifiant et recommandant la surveillance de 540 espèces appartenant à 13 ordres de Mammifères. La plupart des Primates sont considérés dans cette étude comme hautement (90%) susceptibles d’accueillir et de transmettre le virus, et ce n’est guère étonnant eu égard notre proximité phylogénétique. Par ailleurs, les hyrax, les tupayes, les chevaux et rhinocéros, les pangolins et paresseux, plusieurs artiodactyles, des carnivores et des rongeurs présentent un risque sévère quoique moins élevé. Il faut souligner que les animaux les plus à risque sont ceux qui sont les plus proches de nous, animaux domestiques, gibiers et troupeaux, et ceux qui occupent les paysages perturbés, friches industrielles et zones urbaines.
Bien évidemment tous ces résultats sont disponibles en ligne associées à la publication.
Le principal mérite de cette publication est d’attirer l’attention sur ce qui devrait être une évidence : la pandémie que nous connaissons ne concerne pas que l’espèce Homo sapiens. Le fait est qu’elle compte plus de 7 milliards d’individus. Ce qui implique qu’à terme toutes les autres espèces de Mammifères en seront victimes, et le risque que de nouveaux mutants apparaissent en leur sein, se multiplient et se répandent et nous infectent en retour ne peut être ignoré.
En conclusion j’évoquerai l’aspect « conservation » du problème. L’éco tourisme tel qu’il est pratiqué permet l’approche de nombreuses espèces à haut risque : gorilles, grizzlys, ours blancs entre autres. Si ces espèces rares venaient à être touchées par le SARS-CoV-2, cela pourrait entrainer leur disparition.
(1) Ilya R. Fischhoff, Adrian A. Castellanos, João P. G. L. M. Rodrigues, Arvind Varsani, Barbara A. Han. Predicting the zoonotic capacity of mammals to transmit SARS-CoV-2. Proceedings of the Royal Society B: Biological Sciences, 2021; 288 (1963) DOI: 10.1098/rspb.2021.1651
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Eléphantes sans défenses : une adaptation dans l’urgence

L’air du temps nourri de cupidité favorise le braconnage des espèces sauvages. Les éléphants et leurs défenses d’ivoire sont en première ligne d’un massacre annoncé. Jusqu’à risquer l’extinction à court terme. La sélection naturelle est venue à propos secourir la survie de l’espèce en privant les femelles de cet attribut qui fit autrefois leur fortune et aujourd’hui cause leur perte. Et ce en un temps record. Chez les troupeaux d’éléphants de savane qui vivent au Mozambique on constate dans les 20 dernières années l’augmentation significative de la proportion d’éléphantes dépourvues de défenses et donc à l’abri de la convoitise des braconniers (1).

Eléphante sans défense Los Angeles Times Les défenses, incisives ou canines à croissance continue constituées de dentine et d’ivoire, sont un attribut des seuls mâles ou des deux sexes, communs à six ordres de Mammifères de toute taille. Chez les Vertébrés, la plus ancienne occurence de défenses de ce type remonte au Permien (270 ma). Les Thérapsides Dicynodontes (=deux canines) qui ont prospéré dans le Gondwana jusqu’au Trias (220 ma) arborent de telles défenses. Ce sont des herbivores, omnivores ou des carnivores de toutes tailles qui en sont pourvus (2).
Chez les Mammifères actuels, les éléphants (proboscidiens), les dugongs (siréniens), les hyrax (hyracoïdes), les pécaris, sangliers et d’autres (artiodactyles), les morses (pinnipèdes) et les narvals (cétacés) tous possèdent un tel organe. Son usage est très varié. Réservées aux mâles, les défenses sont utilisées dans les parades et combats qui précèdent la période du rut. Mais ce sont aussi des organes sensoriels, en particulier pour le narval (https://scilogs.fr/histoires-de-mammiferes/les-narvals-sont-tres-sensibles-surtout-les-males/), de fouissage et débroussaillage, ou utilisés dans la cueillette des fruits et branchages, voire dans les déplacements, en particulier le morse quand il se hisse sur la glace.
Chez les proboscidiens fossiles, de longue date les défenses d’ivoire des mammouths et autres mastodontes ont été recherchées et fait l’objet d’un commerce soutenu plus ou moins clandestin. De nos jours ce sont les éléphants d’Afrique qui sont en première ligne pour alimenter ce marché de l’ivoire d’autant plus juteux qu’il est interdit dans de nombreux états, hélas avec plus ou moins d’efficacité. On se souvient de ces images dantesques des buchers de défenses d’ivoire dressés par les autorités douanières de certains états concernés par ce négoce frauduleux pour signifier aux trafiquants la fermeté de leurs intentions, et tenter d’asphyxier les marchés. Sans autre efficacité que celle de provoquer d’autres massacres….
Au Mozambique, de 1977 à 1992 une guerre civile aussi cruelle que vaine a sévi dont le bilan en vies humaines fut considérable, mais qui aussi a décimé les populations d’éléphants qui vivaient dans la région, en particulier dans le Parc National de Gorongosa où l’on croyait eu égard son statut mettre à l’abri des fureurs humaines ses pensionnaires. Il n’en fut rien. Les défenses d’ivoire des éléphants qui y vivaient sont devenues une monnaie d’échanges pour les combattants. Et à l‘issue des conflits, près de 90% d’entre eux avaient été exterminés. Plus de 20 ans après la fin des hostilités, les effectifs d’éléphants augmentent régulièrement, sans pour autant atteindre les densités dont auparavant ils furent gratifiés. Et l’on constate qu’une large proportion d’éléphants femelles qui naissent depuis sont dépourvues de défenses.
Est-ce un effet du hasard ? Est-ce du à la pression de sélection qui les années précédentes a éliminé préférentiellement les animaux porteurs de défenses d’ivoire ?
Pour répondre à ces questions, dans un premier temps on a entrepris une analyse démographique des courbes de survie depuis 1972 des animaux de la réserve, soit au total 2542 individus, mâles et femelles, pourvue.s ou non de défenses. L’étude illustrée dans le schéma qui suit, montre qu’au cours de la période 1970 – 2015, alors qu’il y a effondrement de la population d’éléphants pendant la guerre civile, après 2000, la courbe des effectifs est à la hausse. Mais ce qui frappe est que le nombre de femelles dépourvues de défenses entre 2000 et 2015 est multiplié par trois par rapport à la période précédente. (en bleu foncé éléphants femelles 2 défenses, en bleu une seule, bleu clair zéro défense).

Fig. 1 Evolution de la démographie des éléphants au Mozambique de 1970 à 2015 (1) Ce qui n’est pas le cas des mâles, et nous verrons plus tard quelle en est la raison.
La même étude indique que les chances de survie des femelles dépourvues de défense par rapport à celles qui en portent sont cinq fois plus élevées à compter des années 2000. Ce qui permet de conclure que le phénotype « femelles sans défenses » est largement favorisé depuis un peu plus de 20 ans.
Une première explication est le constat que le port de défenses chez les femelles d’éléphant de tout temps a été aléatoire, environ 1/3 des sujets, alors que chez les mâles il est de rigueur. Dès lors pour comprendre les causes de cette variation entre sexes il est recommandé de s’intéresser à la « géographie » des chromosomes X (les femelles ont deux chromosomes X et les mâles un X et un Y). On peut aussi supposer que le gène concerné est dominant, ce qui veut dire qu’une femelle qui possède un gène modifié pour perdre ses défenses, s’il est transmis à des embryons mâles il court-circuite leur développement, ce qui entraine une fausse couche du jeune mâle.
D’évidence le braconnage a influé sur cette dérive et aujourd’hui les éléphantes dépourvues de défenses ont plus de chance de se reproduire que celles qui en portent.
On observe la même tendance en Tanzanie, en Uganda et au Kenya où le braconnage décime aussi les populations d’éléphants, et on y voit prédominer dans les troupeaux le nombre d’ éléphantes dépourvues de défenses.
Cette adaptation très contrainte n’est pas sans conséquence sur le régime alimentaire que doivent adopter les animaux dépourvus de défense : ils ne peuvent plus ni fouir le sol, ni s’attaquer aux feuillages des arbres et les dépouiller de leurs branchages pour sen nourrir. Sans cet outil que sont leurs défenses, les éléphantes se nourrissent essentiellement d’herbages, et le paysage végétal s’en trouve modifié.
Les analyses génériques ont mis en évidence deux caractéristiques de l’ ADN des éléphants impliqués dans la présence ou l’absence de défenses, et qui d’ailleurs jouent un rôle dans le développement des dents chez tous les Mammifères. On peut supposer qu’il s’agit d’un gène dominant, ce qui implique qu’une femelle n’a besoin que d’un seul gène modifié pour le transmettre.
Le schéma suivant explicite le champ d’action des gènes AMELX et MEP1A impliqués dans le développement de la défense de l’éléphant, en l’occurrence une canine à croissance continue faite presque exclusivement de dentine et d’ivoire.

Fig. 2 . Défense vue en coupe d’une défense d’éléphant et ses composants: a),émail, b) cément, c) dentine=ivoire d) péridentine, e) racine ouverte de la défense. En bleu foncé les zones sous influence des gènes AMELX. En bleu clair celles controlées par le gène MEP1A. Aucun d’eux n’est supposé associé à la formation de la pulpe (en noir). (1). L’aspect le plus remarquable de ces constats est la rapidité de réponse au braconnage des mécanismes de l’évolution par voie de sélection : le temps de gestation chez les éléphants est de l’ordre d’environ 22 mois, un peu plus du double que le notre qui considérons que le temps de renouvellement d’une génération l’autre chez nous est de l’ordre de 25 ans Et dès lors il faut conclure que la perte des défenses chez les éléphantes s’effectue au rythme de moins d’une génération ! Faut-il souligner qu’il s’agit d’une vraie course de vitesse contre la mort de l’espèce, et que nous n’en sommes pas que les spectateurs, mais aussi les sponsors.
(1) Campbell-Staton et al., 2021 Ivory poaching and the rapid evolution of tusklessness in African elephants. Science 374, 483–487 https://www.science.org/doi/10.1126/science.abe7389
2) Whitney MR, Angielczyk KD, Peecook BR, Sidor CA. 2021 The evolution of the synapsid tusk: insights from dicynodont therapsid tusk histology. Proc. R. Soc. B 288: 20211670. https://doi.org/10.1098/rspb.2021.1670
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Quand les vampires banquètent entre amie.s

Lorsque une femelle vampire a repéré au sein d’ un troupeau de vaches un animal au sang de bon gout, elle prévient avec empressement ses colocataires pour qu’ils viennent à leur tour se régaler, en particulier ceux du sexe opposé. Le banquet ne s’achèvera qu’à l’aube, comme il est de rigueur pour cette gent nocturne suivant la vieille légende qui colporte que hors le soleil seuls les aulx les rebutent (1).
C’est au Panama, près d’un élevage de bovins destinés à être transformé en viande hachée de la restauration rapide qu’un groupe de chercheurs a surveillé de près pendant 21 mois les allées et venues des vampires, locataires d’arbres creux du voisinage. Ces colonies de quelques centaines d’individus ont des habitudes bien ancrées. Tout ce petit monde le jour se repose, nourrit sa maisonnée et dort ou entretient entre voisins voisines des siestes plus ou moins crapuleuses. La nuit venue, ce sont d’abord les femelles du groupe qui s’élancent dans les airs et repèrent des proies. Dans un premier temps elles goutent leur sang, puis s’élancent à nouveau dans les airs en jacassant dans leur langue pour prévenir leurs amis, et dirigent sans coup férir par leurs signaux cryptés qui nous sont inaudibles leurs compagnons de résidence qu’elles ont quitté voici peu. Le festin nocturne commence alors pour la petite troupe ainsi réunie qui se régale à plus soif…
De crépuscule en crépuscule, c’est devenu presqu’un rituel qui voit des femelles vampires, véritables éclaireuses, se lancer dans les airs, puis après avoir repéré une proie au sang savoureux, signaler sa découverte à ses plus chers amis restés au bercail en attente de la bonne augure.
Il n’est pas sûr que ces banquets sauvages s’accompagnent d’un concert de musique jazzy comme l’est le célèbre documentaire sur la vie du vampire de Jean Painlevé (1933) où la musique de Duke Ellington soutient le commentaire un peu grandiloquent de l’auteur (2).
https://www.qwant.com/?l=fr&sr=fr&r=FR&t=videos&q=Painlevé+vampire&o=0%3AZo6192QypLc
Pour l’heure, cette étude donne à voir une nouvelle fois que pour survivre, il faut s’entraider. Et c’est d’autant plus vrai que les ressources sont rares et que chaque membre de la tribu est délicat sur les menus de cantine qu’on lui propose. Les vampires, grands amateurs de sang chaud et frais, ce n’est pas antinomique, n’échappent pas à la règle. Somme toute, ce sont des fins gourmets quoique l’on puisse penser de leur plat préféré. Leur énergie première, ils la puisent dans le sang des autres. Et de longue date s’est établi un système de coopération au sein des colonies entre locataires sous un même bail, en l’occurence un arbre creux, une cavité souterraine, à l’occasion un comble favorable, pour ensemble rechercher les points de restauration les plus savoureux.

Vampire équipé d’un émetteur récepteur pour suivre ses vols de nuit (Sherri et Brock Fenton) et vue de cet équipement de la taille d’un doigt (Simon Risperger). Plusieurs hypothèses avaient été avancées pour expliquer ce comportement social axé sur la recherche de nourriture en groupe. La technologie est venu apporter des outils qui permettent de suivre les parcours des individus dans leur quête de nourriture, aussi d’enregistrer les signaux sonores qu’ils émettent et qui ont différentes fonctions. Il y a ceux « ordinaires » d’écholocation qui leur permettent de se repérer dans l’obscurité, éviter les obstacles, et suivre un parcours repéré précédemment ; d’autres qui leur permettent de converser entre partenaires femelles pendant la recherche d’une proie ; et enfin ceux lancés pour prévenir leurs amis de l’autre sexe sur la situation géographique précise de la proie choisie et les diriger jusqu’a elle.
C’est là l’un des progrès récents de l’éthologie : longtemps les humains sont restés autistes aux langues pratiquées par les animaux, à un Jean de la Fontaine près. Nous savons aujourd’hui bien mieux les écouter, surtout leur reconnaître un degré d’intelligence que longtemps nous leur avons refusé. A terme il est probable que nous pourrons converser avec eux. Remarquons en passant que dans ce domaine d’échanges, ils nous ont depuis longtemps précédés : mon chien vous le confirmera.
Dans le cas qui nous occupe aujourd’hui, nous avons compris le rôle d’éclaireuse que joue certaines femelles de vampire dans un premier temps pour repérer des proies, puis ensuite de propager leur découverte vers leurs proches, en particulier les mâles avec qui elles cohabitent à longueur d’année.
Evidemment il faut aussi tirer le bilan de ces exploits nocturnes. Un vampire pèse environ 40 g et est capable de prélever une quantité de sang de la moitié de son poids. Si une femelle convie à un festin sur le dos d’un bovin une dizaine de ses amis, la pauvre bête aura à subir une ponction de l’ordre de 150 à 200 g de sang. Ce n’est pas rien. Mais le danger le plus grand danger est que les vampires sont vecteurs de nombreuses maladies parasitaires, bactériennes ou virales. D’ où la surveillance constante dont doivent bénéficier les troupeaux… et aussi leurs bergers !
- Ripperger SP, Carter GG (2021) Social foraging in vampire bats is predicted by long-term cooperative relationships. PLoS Biol 19(9): e3001366. https://doi.org/10.1371/journal. pbio.3001366
- Dans ce film tourné en studio, Jean Painlevé provoque la rencontre d’ un vampire (40 g) et d’un cobaye (entre 0.7 et 1.3 kg). Il commente la scène en prétendant que le vampire pourrait saigner à blanc sa victime en suçant jusqu’à 200 centilitres de sang, soit près de 200 g. Quantité très exagérée.
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Le Lait, carburant cardinal des migrants de l’âge du Bronze

Il y a 5000 ans, les Yamnaya, bergers nomades qui vivent entre Mer Noir et Caspienne, s’élancent accompagnés de leurs troupeaux vers l’Ouest, jusqu’à atteindre la Scandinavie et vers l’Est où ils font souche en Mongolie et Sibérie. Ils diffuseront dans ces contrées leurs techniques, leurs moeurs, leurs religions et leurs langues. Il s’avère que c’est le lait de leurs vaches, brebis, chèvres et juments qui fut la base alimentaire qui leur a permis de soutenir et mener à bien leur entreprise migratoire (1).
L’histoire des migrations des peuples des steppes de l’Asie a un aspect fascinant pour les sédentaires que nous sommes repliés dans notre péninsule, l’Europe. Les plus récentes et les plus marquantes sont celles qui ont vu déboucher à nos portes les nomades guerriers, les Xiongnu venus de Chine qui du 3 ième au 5 ième siècle avant Jésus-Christ envahissent nos territoires, puis plus récemment les Mongols menés par Gengis Khan dont l’activisme sexuel a pu être mis en évidence : en Asie, sa descendance compte plus de 16 millions d’individus (2). Et l’on comprend que ces vagues migratoires aient marqué durablement nos mémoires et notre histoire.
Elles ne sont pas les seules, comme le montrent plusieurs études de génétique qui tracent nos origines. Celles-ci mettent en évidence des intrusions antérieures à ces époques, en particulier des mouvements migratoires qui remontent à l’âge du Bronze voici plus de 5000 ans. Mais en ces temps ce ne sont pas des guerriers qui se déplacent en masse, ce sont des familles et des tribus entières qui s’expatrient vers de nouveaux horizons.
En ces temps, depuis les steppes de Russie, des masses de migrants, le peuple des Yamnaya, ont progressé vers l’Ouest jusqu’à atteindre la Scandinavie, et aussi vers l’Est au delà des Monts Altaï jusqu’en Mongolie. Et dans toutes les régions qu’ils envahissent leur influence est grande, et on peut même dire qu’ils changent durablement le cours de leur histoire. Car ces peuples de bergers ne sont pas seulement accompagnés de leurs troupeaux, ils véhiculent avec eux et propagent de nouvelles techniques, métallurgie du bronze et poterie, leurs chariots ont des roues, sont tractés par des chevaux, ils pratiquent des cultes et ont des us et coutumes qu’ils diffusent, surtout ils parlent des langues appelés à largement se diffuser : bien des linguistes envisagent que les Yamnaya ont joué un rôle clé dans la propagation des langues indo-européennes.
Ils marquent leur passage par des tumulus-tombes, et dans ces sépultures le ou la défunte repose sur le flanc en position foetale entouré.e de bijoux, d’offrandes et de poteries. Par l’analyse des restes dentaires de leurs morts, il vient d’être montré que leur mouvement migratoire a été soutenu par leur mode d’alimentation à base de lait, fromages et yoghourt.
Afin de mettre en évidence ce qui longtemps ne fut qu’une hypothèse, les archéologues ont répertorié les analyses réalisées sur les restes dentaires de plusieurs populations qui se sont lancées dans ces aventureux voyages sans retour, en particulier celles des protéines contenus dans le tartre dentaire ont éclairé sur les composants majeurs de leur régime alimentaire et de ses modifications au cours du temps, entre 4600 BP et 3300 BP.

Fig. 1 Migrations de Yamnaya (D’après techregister.co.uk Ainsi ont-ils pu déceler dans cette succession de populations celles dont l’essentiel de l’alimentation était « ordinaire », et celles qui se nourrissaient essentiellement de lait, de fromages et de yoghourt. Et il se trouve que les peuples qui précèdent l’âge du Bronze à 90% ont une alimentation diversifiée, essentiellement carnée, sans apport lacté notable. A l’inverse leurs successeurs à 94% sont des consommateurs de lait et des ses produits dérivés (3). Et ce sont ceux là qui ont massivement migré, les uns vers l’Occident les autres vers l’Orient le plus extrême.

Fig. 2 Sites où des restes de protéines ont été analysés. a ; premier âge du Bronze ; b et ce : Bronze moyen et terminal. Le nombre d’individus s’inscrit dans les cartouches. Si l’on a identifié le « carburant » qui a nourri la grande migration des Yamnaya et leur mode de transport, nous ignorons quelles furent les motivations qui ont poussé ces peuples à se déplacer en masse par familles entières vers l’Est et vers l’Ouest voici 5000 ans. Ils n’étaient pas des guerriers assoiffés de conquêtes. Poursuivaient-ils un rêve d’eldorado ? Une catastrophe naturelle venait-elle de les priver de ressources dans les vallées encaissées où ils vivaient auparavant ? Un chef de guerre ou un religieux omnipotent les a-t-il guidés ?
De nos jours bien des peuples du Levant voient l’Occident comme une Terre Promise, un havre de paix et d’abondance à l’image que leurs smartphones diffusent au point de les faire rêver et les entrainent à risquer leurs vies sur des routes semées d’embûches.
Peut-on faire un parallèle entre l’aventure des Yamnaya de l’âge du Bronze et celle traversée par les Syriens, les Ethiopiens, les Afghans et tant d’autres qui fuient les guerres que l’Occident leur a déclarées ?
Peut-on dire que rien n’a changé sous le soleil, et que c’est avant tout la peur et la faim qui incitent des peuples à migrer pour gagner des zones plus sécurisés que celles qui les ont vu naître ?
(1) Shevan Wilkin, Alicia Ventresca Miller, Ricardo Fernandes, Robert Spengler, William T.-T. Taylor, Dorcas R. Brown, David Reich, Douglas J. Kennett, Brendan J. Culleton, Laura Kunz, Claudia Fortes, Aleksandra Kitova, Pavel Kuznetsov, Andrey Epimakhov, Victor F. Zaibert, Alan K. Outram, Egor Kitov, Aleksandr Khokhlov, David Anthony, Nicole Boivin. Dairying enabled Early Bronze Age Yamnaya steppe expansions. Nature, 2021; DOI: 10.1038/s41586-021-03798-4
(2) Tatiana Zerjal et al. 2003. The Genetic Legacy of the Mongols. Am. J. Hum. Genet. Vol. 72(3): 717–721. doi: 10.1086/367774
(3) Rappelons que des poteries destinées à la décantation du lait caillé pour la fabrication de fromages et yoghourts digestibles sont datées de 7000 BP en Europe Centrale, et que la mutation qui permet aux adultes de digérer le lactose est présente chez plus d’un tiers des peuples de berger nomades dès le début du Néolithique.
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En hiver, pour survivre , le pika du Tibet se régale des bouses de yak

Le pika du Tibet n’hiberne pas et doit trouver pitance l’hiver venu alors qu’un épais manteau de neige enfouit le végétation dont il fait son ordinaire le reste de l’année. Par chance il côtoie sur ces hauts plateaux un autre herbivore, le yak domestique, et se nourrit de ses bouses qui contiennent suffisamment d’éléments nutritifs pour lui permettre de franchir cette période de disette et faire la soudure (1). En terme savant, ce mode de nourrissage peut être qualifié de coprophagie, sachant que par nature, le pika est coecotrophe !

Pikas sur ses gardes et pikas amoureux (ref. 1) L’ordinaire du pika du Tibet à la belle saison est fait d’herbages, comme les lapins et lièvres ses confrères de longue date, plus de 55 millions d’années. Et tout comme eux, l’assimilation-digestion de cette cellulose des prés se fait en deux temps : le pika dévore dans la journée les plantes qui s’offrent à lui, puis la nuit venue, il réabsorbe les fèces issues de cette première ingestion pour que son organisme s’enrichisse des sucres qu’elles renferment. Ce processus digestif qualifié de coecotrophie est plus que nécessaire : les nutriments assimilables par son organisme lors de la première ingestion ne sont pas suffisamment dégradés lorsqu’ils traversent le duodénum.Mais des micro-organismes qui résident dans son caecum vont jouer ce rôle qui lui permettra lors de la ré-absportion de ses fèces d’assimiler la cellulose dégradée en glucose et les vitamines qui lui sont associées.
A l’inverse de bien des mammifères qui vivent dans la contrée, le pika du Tibet n’hiverne pas, et doit s’alimenter toute l’année de façon soutenue. Pour faire la soudure avec la saison de la repousse au printemps, les pikas se nourrissent des bouses du yak domestique ( Bos grunniens). Dans l’hiver alors que son métabolisme est au plus bas, l’absorption de bouses de yak lui permet de surmonter la mauvaise saison. On peut ajouter qu’une vidéo proposée en annexe de la publication citée montre un pika danse zone partiellement enneigée mais où la végétation perce ici ey là. Or l’ petit animal préfère à tout autre nourriture une boue de yak dont d’évidence il se délecte… cettte coprophagie saisonnière lui évite-t-elle la coecotrophie journalière et quasi obligée ?
(1). Speakman et al, 2021. Surviving winter on the Qinghai-Tibetan Plateau: Pikas suppress energy demands and exploit yak feces to survive winter. PNAS July 27, 2021 118 (30) e2100707118; https://doi.org/10.1073/pnas.2100707118
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Le lapin sauteur d’Alfort a un gène singulier

Sauter pieds joints pour se déplacer, quelques mammifères en sont capables : lapins, lièvres, kangourous et des rongeurs. Il est même un type de lapin domestique qui se déplace aisément sur les pattes avant : le lapin-sauteur d’Alfort. Un désordre génétique induit ce moyen de locomotion peu ordinaire, et c’est une mutation sur un seul locus qui provoque cette pathologie acrobatique. De quoi éclairer sur les modalités et origines de la motricité des quadrupèdes, comment réparer ses désordres, et pas seulement chez les animaux sauteurs (1).

Lapin sauteur d’Alfort (d’après ref 1) www.youtube.com/watch?v=a-5c9AyjJx0&t=8s
En 1935, dans la célèbre école vétérinaire d’Alfort, fut signalé un comportement étrange et héréditaire constaté dans une lignée de lapins domestiques : de façon spontanée, les sujets affectés de ce syndrome se déplacent par bonds sur les pattes antérieures. Considéré alors comme un animal de cirque, le ci-devant « lapin sauteur d’Alfort » fut un temps rangé parmi une bizarrerie de la nature parmi d’autres.
Aujourd’hui, des généticiens ont pu analyser les causes de ce comportement et identifier le gène qui induit cette pathologie. A terme on peut espérer mieux comprendre les arcanes du mode de déplacement par bonds des autres mammifères, et surtout espérer soigner les handicaps locomoteurs qui clouent sur des fauteuils ou des lits tant de patients.
www.youtube.com/watch?v=B6AK3qsxUpc
La motricité de tout quadrupède implique la coordination du mouvement de ses quatre pattes qui le supportent et le font avancer. Le rythme de flexion et extension gauche-droit de la musculature des membres antérieurs et postérieurs permet au quadrupède de progresser, et de longue date on a su repérer dans la moelle épinière le centre nerveux de gestion de la motricité.
La plupart des mammifères peuvent adopter différents types de démarche plus ou moins rapides en fonction du substrat sur lequel ils se déplacent : la marche, le trot, le galop sur deux ou quatre pattes. Certains peuvent même sauter pieds joints. C’est le cas des kangourous, des lapins, lièvres et certains rongeurs. Pour autant, les principes génétiques à la base de ces modes de locomotion si différents sont longtemps restés ignorées, et les conséquences pratiques de cette lacune dans nos connaissances sur la motricité constituent un lourd handicap au sens premier du terme dans la recherche de thérapies destinées à palier les infirmités ambulatoires qui affectent de nombreux patients. Aussi l’avancée qui aujourd’hui permet d’identifier les gènes qui sous tendent la pathologie du « lapin sauteur d’Alfort » ouvre des perspectives dans un domaine jusqu’ici considéré comme hors d’atteinte de tout traitement.
Dans le but de mettre en lumière les causes profondes de ce type de pathologie, des généticiens ont croisé un mâle affecté du syndrome « lapin sauteur » avec une femelle d’une race de lapin blanc de Nouvelle Zélande. Quarante lapereaux plus tard, il a été constaté que beaucoup avaient une démarche normale et six avaient l’aptitude de se déplacer par bonds sur les pattes avant. L’analyse du génome des uns et des autres a permis de localiser la mutation responsable de la pathologie « lapin sauteur ».
De fait la coordination des mouvements musculaires qui assurent la déambulation d’un quadrupède et assure la coordination des mouvements des pattes arrière et avan est sous le contrôle du gène RORB, et chez les lapins obtenus par croisement et affectés du syndrome « lapin sauteur » la mutation responsable de ce syndrome a été repérée. Par séquençage croisé du génome, on a pu montrer qu’un seul locus contenant le gène B du récepteur orphelin RAR (RORB) explique la démarche atypique des lapins.
On peut aussi rappeler qu’en 2017 il a été signalé (2) dans une étude paru dans le magazine Neurone qu’une mutation observée du RORB chez la souris provoquait une démarches en canard : https://www.cell.com/cms/10.1016/j.neuron.2017.11.011/attachment/7e3ba9eb-311d-458a-933f-fb03f6f5bfd5/mmc3.mp4
Elizabeth Pennisi, journaliste qui a commenté dans le magazine Science (25/03/2021) les travaux de Miguel Carmeiro et de ses collègues sur le lapin sauteur suggère qu’elle ouvre la voie à des avancées dans la recherche des causes de la maladie de Charcot : la sclérose latérale amyotrophique. Plus de 120 000 malades dans le monde voués à une fin aussi douloureuse que rapide sont concernés.
Ainsi la pertinence des recherches sur les cas tératologiques se voit une fois de plus vérifiée.
- Carneiro M, Vieillard J, Andrade P, Boucher S, Afonso S, Blanco-Aguiar JA, et al. (2021) A loss-of-function mutation in RORB disrupts saltatorial locomotion in rabbits. PLoS Genet 17(3): e1009429.doi.org/10.1371/journal.pgen.1009429
- Koch SC, Del Barrio MG, Dalet A, Gatto G, Günther T, Zhang J, et al. RORβ spinal interneurons gate sensory transmission during locomotion to secure a fluid walking gait. Neuron. 2017;96: 1419–31.DOI:https://doi.org/10.1016/j.neuron.2017.11.011
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Assimiler l’oxygène au travers du rectum ? C’est possible

Pour améliorer les capacités respiratoires des Mammifères, il est proposé un protocole qui met à contribution les parois intestinales du rectum pour assimiler un plus d’oxygène. Chez les sujets testés, rongeurs et cochons, lorsque la ventilation pulmonaire est défaillante et que l’on met en oeuvre cette technique, le gain en terme de chances de survie est positif, ce qui suggère que c’est une voie à explorer dans le cadre de la lutte de l’insuffisance respiratoire passagère constatée chez les patients frappés par le SARS-Covid-19 (1).
Le constat initial se fonde sur des observations de naturalistes qui ont mis en évidence chez des animaux aquatiques en situation d’hypoxie ont la capacité de mobiliser outre les voies respiratoires naturelles, poumons, branchies et autres, soit d’adjoindre des « réservoirs de plongée » à leur organisme, soit de mobiliser des portions de leur appareil intestinal pour palier une insuffisance en oxygène passagère.
Un premier exemple peut être proposé avec l’adaptation du lézard semi-aquatique Anolis, un pulmoné, qui vit dans les cours d’eau d’Amérique Centrale. Plusieurs espèces ont acquis la capacité d’accumuler des réserves d’oxygène dans leur paroi nasale ou leur plastron. Cette « bouteille de plongée » leur permet de prolonger leur submersion de plus de 15 minutes. Une analyse phylogénétique conclut que cette adaptation est une convergence que l’on rencontre dans différentes lignées d’Anolis plongeurs (2).

Fig. 1. Lézard Anolis et la capsule nasale. Natural History Observations Archives – Anole Annals. (anolesannals.org) wwww;youtube.com/watch?v=xGqHzuBUrBE
Dans d’autres cas le surplus occasionnel d’oxygénation trouve d’autres voies. C’est ainsi que par exemple un poisson, la loche des rivières, des invertébrés, le concombre de mer ou l’araignée d’eau, ont la capacité de mobiliser un quota d’oxygène suffisant à leur survie dans les périodes de pénurie d’oxygène grâce aux cellules intestinales de leur rectum.
Ces mécanismes connus de longue date méritaient que l’on en précise les modalités fonctionnelles eu égard le contexte pandémique du à la Covid-19 : des millions de patients souffrent d’insuffisance respiratoire et beaucoup en meurent ; une assistance respiratoire appropriée utilisant les voies intestinales terminales pour améliorer l’oxygénation de l’organisme est-elle possible ? La réponse est oui. Et le schéma suivant mieux qu’un long discours explicite la démarche à suivre.

Fig. 2. Principe et protocole pour une assistance respiratoire intestinale : de la loche des rivières aux rats, souris et cochons jusqu’au patient atteint de Covid-19. L’expérimentation d’une assistance respiratoire intestinale chez des animaux de laboratoire rend possible son application à des humains atteints d’insuffisance respiratoire provoqué par la Covid-19. (1). Pour résumer, il s’agit d’adjoindre à l’oxygénation par voie pulmonaire, un auxiliaire qui emprunte les voies intestinales du rectum . Et la technique se fonde sur la capacité à augmenter l’oxygénation d’un sujet en état de carence par addition et injection d’ O2 par le rectum.
Chez les Mammifères, le rectum constitue une vaste cavité limitée par un tissu muqueux fin drainé par un réseau vasculaire dense. Il est propice aux échanges et très perméable à l’absorption de drogues de différente composition : de nombreux médicaments administrés sous forme de suppositoire en font foi.
Ce constat fait, les chercheurs ont estimé possible de favoriser au travers de cette paroi les échanges gazeux, en particulier l’apport d’oxygène.
Dans une première étude, ils ont évalué l’amincissement chimique et mécanique des couches épithéliales du rectum pour apprécier leur capacité à faciliter l’échange de gaz via l’intestin distal. La ventilation oxygénée chez les souris et les cochons par les voies rectales s’est avérée possible et a eu des effets positifs.
Dès lors il est possible d’envisager une expérimentation chez les humains atteints de carence respiratoire, en particulier ceux frappés par le SARS Covid 2. comme illustré sur la figure 2.
Pour autant l ne faut pas se leurrer : ces études n’en sont qu’au stade expérimental. Toujours est-il que d’une certaine façon la crise provoquée par la pandémie due au Covid a dopé d’une certaine façon l’imagination et la créativité des laboratoires de recherche. C’est l’occasion pour les chercheurs d’explorer des domaines très divers et éloignés de leurs préoccupations quotidiennes et au final d’enrichir leurs connaissances.
1. Ryo Okabe et al. 2021. Mammalian enteral ventilation ameliorates respiratory failure. Med (2021), https://doi.org/ 10.1016/j.medj.2021.04.004
2. Boccia et al., 2021, Repeated evolution of underwater rebreathing in diving Anolis lizards. Current Biology 31, 1–8 July 12, 2021 a 2021 Elsevier Inc. https://doi.org/10.1016/j.cub.2021.04.040
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Les chiots et nous : une affaire de gènes

Tout juste nés, les chiots nous témoignent gratitude, comprennent nos gestes et obéissent à nos invites. En particulier lorsque nous pointons du doigt un objet quel qu’il soit, ils suivent l’invite et s’y intéressent. Ce sont des facteurs génétiques qui contrôlent près de la moitié de la variation des aptitudes sociales des chiens et facilitent leurs rapports avec les humains. Autrement dit, les chiens sont prédisposés génétiquement pour communique avec les humains (1).
L’arrivée d’un jeune chien dans une famille est un moment de bonheur partagé que l’on n’oublie pas : aux frétillements et jappements de l’invité s’ajoutent les rires et parfois les larmes des grands et petits ravis d’accueillir ce nouveau compagnon de jeu. Un cliché de 1955 qui fait recette sur le web en témoigne.

Quelques secondes avant le bonheur (1955 Aux témoignages de gratitude s’ajoutent l’attention et la complicité du chiot tout juste arrivé à nos gestes et indications : sans éducation précédente, à peine lui montre-t-on du doigt un objet, un lieu de repos, une direction que le chiot manifeste son intérêt pour le sujet.
Ces qualités qui étonnent ont-elles des bases biologiques ?
Pour répondre à la question un groupe de chercheurs de l’Université de Californie a étudié le comportement et les réactions de très jeunes chiots. Ils ont observé et noté les réactions de 375 sujets âgés en moyenne de huit semaines, dans une série d’expérience pour tester leurs capacités de réaction et leurs aptitudes cognitives. Au final la question est : ces qualités ont-elles des bases génétiques ?

Un chiot répond à une indication de direction (Labo de l’Université de Californie (réf. 1) Quatre types d’expérience ont été réalisées.
Dans les deux premières on a testé la capacité des chiots à comprendre les gestes des humains. Hors de leur vue on place une croquette sous l’une des coupelles qui leur seront présentées. Puis, soit on désigne du doigt celle où se cache la récompense, soit on montre au chiot un cube jaune placé devant la coupelle garnie.
Le résultat est que le bon choix est fait dans 67% des essais alors que si ce n’était que par chance, les réussites seraient de 50%.
Une troisième expérience permet d’évaluer la propension des chiots à prêter attention au visage d’un humain qui l’interpelle sur un ton haut-perché imitant un enfant et en le fixant. On constate alors qu’en six secondes le chiot répond à l’invite alors que les chiens adultes sont plus rapides : avec l’âge la réponse d’un chien à ce type de suggestion s’améliore.
Le quatrième test est qualifiée de « tâche insoluble » : les récompenses sont d’accès de plus en plus difficiles, voire impossibles. Le but est de voir si le chiot va quémander une aide auprès de l’expérimentateur, comme cela se passe pour un chien adulte. L’expérience montre que la recherche d‘une aide n’est pas innée, mais s’acquiert peu à peu, à mesure que les chiens apprennent à interagir avec les humains.
Cette propension et cette précocité à suivre les invites d’un humain est exceptionnelle dans le règne animal : aucun autre animal y compris les chimpanzés nos plus proches cousins ne montrent de telles aptitudes. Et le groupe de chercheurs impliqué dans ces études soutiennent que ces prouesses de la cognition canine sont aussi génétiques, ou héréditaires, que ne l’est l’intelligence humaine. « Tout cela suggère que les chiens sont biologiquement préparés pour communiquer avec les humains » Sous-entendu cette qualité des jeunes chiens à échanger avec les humains a été sélectionnée au cours du processus de domestication de celui qui est devenu notre compagnon le plus proche. Au pont que nombre d’entre eux participent à notre légende : Argos pour Ulysse, les Louves de Rome, Croc-Blanc de Jack London et Milou pour Tintin, sans oublier Idéfix.
Mais insistons sur un point : pour s’adresser à un chiot avec succès il convient d’adopter le même ton et les mêmes paroles que l’on use pour attirer l’attention d’un nouveau-né : gouzi-gouzi par ci, gouzi- gouzi par là, bis et même ter. Voire plus, jusqu’à extinctions des pleurs et jappements suivant l’espèce concernée..
(1) Bray et al., 2021, Early-emerging and highly heritable sensitivity to human communication in dogs . Current Biology 31, 1–5 July 26, 2021 a 2021 Elsevier Inc. https://doi.org/10.1016/j.cub.2021.04.055
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Coronavirus et Mammifères : suite, et ce n’est pas la fin

La situation de l’humanité face au risque d’infection par des coronavirus est sans aucun doute plus risquée qu’envisagée jusqu’ici : de nombreux mammifères proches de nous, domestiques ou sauvages, sont susceptibles d’héberger des coronavirus tout aussi porteurs de graves pathologies que le SARS-CoV-2, donc à terme de nous les transmettre, et ce avec des variants de dangerosité imprévisible par définition (1).
Un vétérinaire a rejoint récemment le Conseil Scientifique covid 19 de notre pays mis en place pour éclairer les gouvernants dans la lutte contre la pandémie. Ce n’est pas un hasard : de nombreuses publications récentes font état de cas d’infections par ce type de virus chez des mammifères que nous côtoyons : cochons, chats, chauve-souris, visons, furets comme illustré ci-dessous dans un article récent publié dans Nature (1).

Attention danger : hôtes du SARS-CoV-2 (réf.1) Et la liste a toute chance de s’allonger.
S’il ne fait aucun doute que les souches à l’origine du SARS-CoV-2 ont eu pour premier hôte des chauve-souris appartenant au genre Rhinolophus, l’identité de l’intermédiaire qui nous l’ a transmis reste une question ouverte, et il y a de nombreux candidats, entre autres le pangolin : sur les marchés d’Asie et d’Afrique il est un gibier très apprécié des gastronomes. Et au travers de ses préparations culinaires on a soupçonné un temps qu’il avait été le vecteur fondateur de la pandémie qui s’est abattue sur l’humanité dès décembre 2019, avec pour épicentre le marché de la ville de Wuhan en Chine https://www.scilogs.fr/histoires-de-mammifères/lachauve-souris-le-pangolin-le-tigre-et-nous/
Mais depuis, cette théorie a été battue en brèche, et d’aucuns suggèrent que le virus est présent en Chine de façon cryptique, dans tous les sens du terme, depuis plusieurs années : il se cache et il est caché par les autorités sanitaires du pays. On envisage aussi que la souche pathogène qui nous a frappés a pu « échapper » d’un laboratoire de recherche de ce pays, et une équipe de chercheurs a réactivé récemment l’hypothèse qualifiée au départ de complotiste qui envisage que la dispersion du virus ferait suite à une erreur du laboratoire du centre de recherche de Wuhan (2).
La question a peu de chance de trouver une réponse, au moins dans l’immédiat : les gouvernants chinois considèrent que les données sanitaires de base sur le sujet sont un secret d’état, les tiennent sous le boisseau, et récusent toute enquête scientifique hors de leur contrôle et de son corollaire, la censure. L’esprit de Mao, Staline et de leurs affidés, de droite comme de gauche, règne encore qui cultive l’ignorance et la dissimulation pour maintenir les peuples sous son joug.
Dans les débuts de la pandémie, la première infection constatée chez un animal sauvage le fut à New York. En avril 2020, un tigre du zoo du Bronx a été déclaré infecté. D’évidence l’agent qui lui a transmis le virus est un soigneur de l’établissement. Rappelons qu’à New York comme ailleurs, ni le port du masque, ni l’usage de gestes barrières n’étaient entrés alors dans les moeurs, encore moins dans un zoo. Ainsi c’est au travers du grillage, ou en lui servant sa nourriture par une trappe, que le gardien du zoo porteur du virus mais ignorant de son état a contaminé son pensionnaire, étant exclu qu’il l’ait approché de très près comme on peut le faire pour caresser un animal familier, chat, chien ou autre. https://nytimes.com2020/04/06/nyregion/bronx-zoo-tiger-coronavirus.html
Un an plus tard, les exemples d’infection à ce virus chez des mammifères proches de l’homme se sont multipliés. L’Organisation Mondiale de la Santé Animale (OIE) en a fait l’inventaire. Elle répertorie 458 cas avérés de contamination, principalement chez des animaux de zoo de quatre continents, la plupart, si ce n’est la totalité, induites par la fréquentation d’humains contaminés.
Les commentateurs considèrent que pour l’heure, dans la mesure où ces animaux proches de nous sont sous surveillance, on peut considérer que nous sommes à même de contrôler les épidémies dont ils pourraient être les vecteurs. Après avoir procédé à des tests de dépistage, nous disposons en effet d’un arsenal de techniques de prévention qui a fait ses preuves : la quarantaine, l’abattage sélectif et la vaccination. C’est ainsi qu’à titre expérimental, il vient d’être annoncé que les gorilles du zoo de San Diego, Californie, avaient bénéficié d’une injection préventive de vaccin anti Covid. Fut-ce une dose d’Astra Zeneca à 2.5 € la dose ou celle du produit Pfizer à 19 € n’est pas précisé.
Pour l’heure, tout en vaccinant massivement, il va s’agir de tester de façon systématique nos animaux les plus proches. Cela pourrait s’avérer une tâche difficile : confrontés au coton-tige, beaucoup feront grise mine.

Un chat dans un labo de le la Texas A&M University du Texas qui étudie lela pandémie de SARS-CoV-2 chez les animaux de compagnie. Photo Lisa Auckland. (réf. 1). Bien que non mentionnés dans le bilan de l’OIE, ce sont les cochons qui seraient les plus susceptibles d’être les chevaux de Troie du coronavirus, et le vieux proverbe « chez le cochon tout est bon » devrait être jeté aux oubliettes de la culture populaire.

Inventaire des contaminations SARS-CoV-2 par l’OIE. (réf.1). Pour autant les élevages de porcs bénéficient en cas de pandémie d’une expérience récente. Au cours de la dernière décennie, et ce de façon récurrente, dans plusieurs pays, de nombreuses porcheries ont été infectées par un autre coronavirus, celui de la diarrhée porcine. A chaque fois ces épidémies ont pu être jugulées par les éleveurs qui ont su adopter et généraliser des mesures strictes d’hygiène dans les élevages, et surtout au moment du transport du bétail vers les marchés et les abattoirs, aussi bien en Chine – 300 millions de têtes, la moitié de la production mondiale – que dans les autres pays à forte production, USA, Canada, Europe.
Un autre éclairage nous vient d’une étude récente qui concerne 132 espèces appartenant à 19 ordres de mammifère (3). Elle met en évidence une caractéristique génétique commune aux humains et à certaines de ces espèces qui permet de prédire si elles sont plus ou moins susceptibles d’héberger et transmettre le SRAS-CoV-2. La présence dans le génome de récepteurs de type ACE2 à des sites clés de liaison aux protéines S chez les humains et ces mammifères suggère qu’ils sont plus ou moins aptes à accueillir et transmettre le virus.
La première conclusion importante est que la transmission directe chauve-souris à des humains est peu probable. Ce n’est qu’après avoir été hébergé chez un autre mammifère que le virus alors modifié a pu infecter notre espèce.
Parmi les 19 ordres testés, outre les Primates (Hominidés et Cercopithécidés), le site clé ACE2 est présent chez 8 d’entre eux : Artiodactyles et Cétacés, Carnivores, Rongeurs, Lagomorphes, Périssodactyles, Proboscidiens et Siréniens. C’est chez les bovidés, les narvals et et les cachalots que la similarité est la plus élevée pour les sites ACE2. S’il nous est facile de nous tenir éloignés des derniers cités, ce n’est pas le cas des bovidés qui ont de multiples occasions de nous approcher, jusqu’à fréquenter nos assiettes, à l’exception du département du Rhône où cette viande est bannie des cantines scolaires.
D’évidence il faut poursuivre ce type de recherche et étendre l’échantillon à l’ensemble des mammifères.
Pour l’heure, on peut ajouter à ce cortège d’ espèces identifiées comme porteuses du virus et susceptibles de nous le transmettre : la civette des palmiers, le furet, le chat, le cochon, le hamster, la souris, et le «raton-laveur de cet inventaire, en l’occurrence le pangolin. Espérons que l’interdiction récente de sa chasse et de sa consommation sauveront l’espèce de l’extinction , jusqu’à peu la plus pourchassée au monde.
Si aujourd’hui nous sommes confrontés à la pandémie due au SRAS-CoV-2, nul doute qu’il existe bien d’autres coronavirus et autres germes hébergés par nos amis les mammifères susceptibles d’engendrer un jour ou l’autre des pathologies de différents types chez les humains. C’est la conséquence qu’on peut qualifier de logique et d’échelle globale de l’explosion démographique de notre espèce, accompagnée de celle des espèces qu’elle a domestiquées depuis 10 000 ans, date de l’apparition de l’agriculture.
Cet événement planétaire a bouleversé les équilibres biologiques qui depuis la nuit des temps assistaient et régulaient la transformation et l’évolution des espèces dans les milieux naturels. Cette révolution a aussi élargi le « terrain de jeux » des virus de toutes origines et autres microbes pour atteindre des dimensions inouïes : dans la dernière décennie, la progression logarithmique est devenue la norme pour les populations qui abritent ces germes, et paradoxalement les batailles que nous leur livrons avec les antibiotiques, dopent leur virulence. Jusqu’à quand pourrons-nous faire barrage aux toxines qu’ils nous transmettent ?
L’image suivante illustre l’essor de la biomasse des vertébrés terrestres exprimée en millions de tonnes de notre espèce, des animaux domestiques, et des mammifères sauvages depuis l’invention de l’agriculture (3), et en pourcentage la part actuelle des uns et des autres (4).

Progression de la biomasse des mammifères en poids depuis 10 000 ans et état actuel en pourcentage (d’après réf. 3 et 4) Comment s’étonner dès lors de la multiplication des alertes sanitaires qui nous ont interpelés en différentes occasions depuis le début des années 2000 ?

Hotes de coronavirus (ref. 6) Alors bien sûr nous pouvons considérer qu’ il est possible de mettre en place des protocoles afin de surveiller l’état sanitaire des populations humaines et de nos animaux domestiques. C’est ainsi que récemment cette vigilance a porté ses fruits : deux ont été signalés chez des patients de Malaisie, des enfants !, et il est probable que se sont les chiens qui en sont les hôtes. Dans un autre cas, cette fois signalé en Haïti, ce sont des cochons qui ont infecté un groupe d’enfants (7). D’évidence, la fréquence de transmission entre espèces de coronavirus a été jusqu’ici sous-estimée.
Une conclusion s’impose qui concerne la part de budget que les états doivent consacrer à compter d’aujourd’hui et dans l’urgence à la recherche en biologie : elle doit devenir prioritaire. Nous avons sans le savoir déclaré la guerre à la Nature. Il nous faut aujourd’hui rendre gorge et abandonner bien des options autrefois prioritaires devenues autant d hypothèques, pour investir dans de nouveaux secteurs, l’écologie, la santé, l’éducation, afin de préserver l’avenir de notre espèce sur une Planète Terre qu’il faut en urgence restaurer.
La prochaine décennie sera décisive. Dans un monde dominée par une gérontocratie cupide cela veut dire que l’avenir de nos enfants et petits-enfants est en jeu, et c’est nous parents, grands-parents et arrières-grands-parents qui devrions agir sans attendre.
Ce n’est pas une incantation, c’est un projet de survie.
Le dernier mot, je l’accorde bien volontiers à l’oeil pointu de notre chère Coco qui est une invitation au dialogue avec une part trop longtemps méprisée de notre famille.

Une table ronde nécessaire signée Coco. (1)Smiriti Mallapathy, 2021. The search for animal harbouring coronavirus – and why it matters. Nature 591, 26-28. https://www.nature.com/articles/d41586-021-00531-z
(2) Jesse D. Blooet al . 2021: Investigate the origins of COVID-19. Science. Vol. 372, Issue 6543, pp. 694 DOI: 10.1126/science.abj0016
(3) Yulong Wei et al. 2021. Predicting mammalian species at risk of being infected by SARS-CoV-2 from an ACE2 perspective. Scientific Reports. volume 11, Article number: 1702 (2021)
https://www.nature.com/articles/s41598-020-80573-x
(5) https://www.livekindly.co/60-of-all-mammals-on-earth-are-livestock-says-new-study/
(6) Firas A. Rabi et al. 2019. SARS CoV-2 and Coronavirus Disease What We Know So Far
Pathogens 2020, 9(3), 231; https://doi.org/10.3390/pathogens9030231
(7) Anthony King. 2021 Two more coronaviruses may infect people Science 372 (6545), 893.
DOI: 10.1126/science.372.6545.893