La fourrure d’un Mammifère présente une structure complexe. Elle est constituée de plusieurs types de poils chacun alimenté d’un réseau nourricier et d’un câblage nerveux diversifié auquel sont associées des glandes dermiques. Le pelage assure plusieurs fonctions : isolation thermique infra rouge et des rayons ultra violets, imperméabilité, camouflage pour détourner les prédateurs, affirmation d’une identité visuelle pour être reconnu par les siens et inviter à la prudence les éventuels prédateurs, et aussi transmettre aux organes des sens des informations tactiles, chimiques et thermiques sur l’environnement. L’analyse optique des différents types de poil renseigne sur le mode de fonctionnement de chacun en particulier les poils de garde, antennes sensibles aux rayons infra rouges (1).
« Les poils sont des écailles de reptiles qui ont frisé » aimaient à énoncer l’un de mes maitres, grand amateur de formules-choc teintés d’humour, marque de qualité des pédagogues de terrain. Aujourd’hui il pourrait ajouter grâce à des travaux récents que le même raccourci s’applique à l’apparition des plumes chez d’autres héritiers des reptiles, les oiseaux (2). Mais ceci est une autre histoire, et pour l’heure examinons au plus près l’anatomie de nos poils, de nous les Mammifères, en prenant pour exemple la fourrure de la souris, Mus musculus, si proche de nous jusqu’à picorer dans nos assiettes.
Les souris ont quatre types de poils : un poil long et épais qui ne représente qu’environ 1% du nombre total de poils sur le corps, le poil de garde ; des poils plus courts dénommés poinçon et auchène qui constituent environ 23% des poils ; et un cheveu fin appelé le zigzag qui représente 76% des poils. Ce dernier constitue ce que communément on dénomme la bourre, véritable matelas isotherme qui forme une doudoune au plus près du derme.
La figure suivante illustre le mode de nourrissage et d’innervation de chacun d’eux. On note que pour le réseau nerveux, les connexions sont codés de différents types de LTMR. Cet acronyme doit se lire « Low-Threshold Mechano Receptor » = Dispositifs mécaniques basse fréquence, et on peut voir que 4 codes d’influx sont distingués qui innervent les différents types de poils.

Dès lors on peut supposer que la structure de chacun des types de poil est adaptée pour capter différents signaux chimiques ou physiques qu’ils transmettent au cerveau pour interprétation.
L’équipe à l’origine des travaux cités s’est interessée en particulier aux poils de garde et a scruté leur architecture en microphotographie chez 3 espèces : la souris, Mus musculus, la musaraigne, Sorex araneus, et un petit marsupial, Antechinus agilis de même taille et morphologie que la souris.
La figure 2 montre une photo micrographie de poils de Mus musculus avec deux poils en zigzag et un poil de garde beaucoup plus large. Elle illustre la structure en bandes foncées et claires caractéristique des poils de mammifères. L’espacement des raies est compris entre 6 et 12 µm et varie peu d’une espèce à l’autre : les mesures des bandes etcellules montrent que la musaraigne de 4 g, Sorex minutus, a un espacement de bande similaire à celui du lapin européen de 2 kg, Oryctolagus cuniculus. Ces dimensions sont compatibles avec les longueurs d’onde du rayonnement infrarouge.

Des poils fossiles sont attestés chez les plus anciens mammifères dès le Jurassique. Mais leur structure observée chez les placentaires et les marsupiaux actuels différent bien que chez les uns comme chez les autres ils soient tout aussi performantes pour capter les signaux infra rouges. Il s’agit d’un phénomène de convergence fréquemment observé au cours de l’évolution des organismes qui doivent s’adapter aux mêmes contraintes environnementales et recourent à des solutions différentes.
La Figure 3 permet de comparer l’espacement des bandes et les cuticules en écaille des poils en zigzag et de garde de la souris Mus musculus et du marsupial Antechinus agilis d’Australie de même taille et aspect.
Ceux qualifiés de zigzag ont la même architecture interne. Pour les poils de garde elle diffère. A la base ils ont une structure en forme de râpe : sur l’extrémité distale l’espacement des bandes chez la souris est en échelle avec au centre une zone alvéolée, alors que l’antechinus la structure est scalaire sans alvéoles.

On peut envisager que les dimensions en micron des structures de la charpente des poil de garde chez l’une comme chez l’autre espèce rendent possible et favorisent la détection des sources de rayons infrarouges émises par les prédateurs, oiseaux et mammifères carnivores de longueur d’onde compatible avec la structure de ces poils. Ce n’est pas un hasard. Cette adaptation est un gage de survie pour ces espèces qui grâce à leurs poils de garde sont aptes à interpréter les signaux de danger dans leur environnement, en particulier la nuit qui est leur domaine d’activité privilégié. Pour résumer, les poils de garde se révèlent-ils des antennes sensibles aux signaux infrarouges des ennemis.
Une deuxième adaptation, qui s’applique à ces petits mammifères qui des exigences métaboliques élevées grâce à leur fourrure épaissie par les poils zigzag, leur refroidissement infrarouge radiatif est réduit au minimum. La capacité de rester inerte en tant qu’émetteur de signaux infra rouges vis-à-vis des prédateurs est dans cette perspective un autre volet qui les protège des prédateurs.
IL reste que l’on est loin d’avoir fait le tour de la question sur le sujet des fonctionnalités et adaptations des différents phanères de la fourrure des Mammifères de même que sur les cellules sensorielles et les glandes sudoripares de la peau. Le sens du toucher au sens large reste à ce jour l’un des plus méconnu, et à peine ébauché, ce champ de recherche s’avère prometteur dans le domaine des études de photonique et des applications qui pourraient en découler.
- Baker IM. 2021 Infrared antenna-like structures in mammalian fur. R. Soc. Open Sci. 8: 210740. https://doi.org/10.1098/rsos.210740
- (2) N. N.Di-Poi M. C. Milinkovitch. 2016. The anatomical placode in reptile scale morphogenesis indicates shared ancestry among skin appendages in amniotes. Science Advances, Vol. 2, no. 6, e1600708 DOI 10.1126/sciadv.1600708