Les expressions faciales des chats lors de leurs rencontres sont plus diverses qu’envisagé jusqu’ici, près de 300 selon une étude récente. Cette nouvelle approche et sa méthode peuvent nous être utiles afin que tout un chacun puisse mieux lire le visage de son petit compagnon et mieux assouvir ses désirs et identifier s’il est en peine ou sur le point de manifester son ire (1,2). 

Chat circonspect. Science, cliché Olivia ZZ via Getty images. 

«  Je suis le Chat qui s’en va par les chemins mouillés du bois sauvage, remuant la queue et tout seul, et tout lieu se valent pour moi  » écrit Rudyard Kipling dans ses « Histoires comme çà ». 

Sans doute ses moeurs solitaires sont la raison pour laquelle  jusqu’ici on avait négligé d’observer les mimiques des chats lors de leurs rencontres, à quelques caricatures près : chacun sait qu’ils ont le poil de la face  hérissé et aplatissent les oreilles lorsqu’ils croisent un ennemi, ou les moustaches vibrantes, se léchant les lèvres et le regard mielleux dans le cas contraire par exemple.

S’il est vrai que depuis 10 000 ans au moins les chats fréquentent nos foyers, ils ont su néanmoins garder une réserve certaine. Contrairement à la plupart des autres animaux domestiques, aucune sélection artificielle jusqu’à une date récente n’a entravé ou modifié leur destin, et les chats sont restés à l’état de nature ce que notre cher Jean-Jacques avait su discerner et aussi leur portait-il une grande tendresse.

Et c’est ainsi que de l’état sauvage ils ont conservé le goût de la liberté, de l’indépendance, et la discrétion peut être considérée comme leur première qualité. D’aucuns prétendent même qu’ils sont peu sociaux, assertion contredite par l’existence de colonies de chats semi sauvages fort civiles  qui persistent dans plus d’une île où accidentellement un ou plusieurs couples de ces animaux ont été déposés par des marins peu délicats, et de nombreux foyers accueillent sans problème plusieurs chats sans qu’aucune guerre ne se déclare. 

Aussi c’est bien malgré eux qu’à leur endroit les humains ont développé une passion teintée d’empathie qui déborde en plus d’une occasion. De nos jours la Toile en témoigne au quotidien et plus d’un site leur est consacrée, alors que les rayons de supermarché consacrés à leur confort s’étalent sur des kilomètres. En bien d’autres lieux notre amour des chats se met en scène et se partage, en particulier dans des clubs de rencontre où chats et leurs « maitres » – les guillemets s’imposent  – se retrouvent pour évoquer les bonheurs aussi bien que les soucis et misères de cette cohabitation pluri séculaire. 

C’est ainsi qu’en un de ces lieux où prospère une certaine « civilisation du chat », le Cat Cafe Lounge de Los Angeles, Californie,  est née l’idée chez deux de ses clientes assidues d’observer au plus près les rencontres entre chats qui s’y croisent en compagnie de leurs mentors.  Précisons que les clientes en question sont par ailleurs  éthologistes de l’Université de Californie voisine. La première raison qui les a incitées à envisager cette étude systématique de l’expression des émotions chez le chat   qui aurait intéressé Charles Darwin au plus au point, est que lorsqu’ils souffrent de maux divers, il est difficile de mesurer leur peine et donc d’y remédier à bon escient. Et pas question de les trainer dans un laboratoire pour tenter de les soumettre à un IRM…

Pour établir leur protocole sur des bases solides, ces chercheuses se sont inspirées des nombreuses études qui visent à analyser de façon automatique le visage humain. Ces travaux ont de nombreuses applications dans différents domaines : santé, sécurité publique, biométrie, relations computer-humains par exemple. Avec l’IA en perspective, ces recherches se sont beaucoup développées ces dernières années, et pour avoir une portée généraliste utilisent des systèmes d’exploitation fondés sur des points-repère standardisés et normalisés sur le visage. 

Marchant sur ces brisées, les deux savantes  ont utilisé un portrait de chat standard avec des ponts-repères comme celui illustré ci-dessous (d’après réf. 2)

Grâce à cette base de traitement géométrique pour analyser les images des expressions faciales des chats, 48 au total, elles ont enregistré des vidéos des rencontres entre chats dans leur bistrot préféré, soit 194 minutes de film  étalées sur deux mois de fréquentation.  

L’analyse et l’exploitation raisonnée des images leur a permis de découvrir  pas moins de 276 expressions faciales chez ces chats lors de leurs rencontres, pas très loin après tout des 357 relevées dans les mêmes conditions chez nos cousins les chimpanzés. 

Dans l’ensemble elles notent que une majorité de ces mimiques sont très certainement complices (47%),  d’autres agressives (37%)  et pour le reste soit 18% les physionomies évoquent le sourire sans aucune malice mais quelque peu ambigu du chat du Cheshire qui fait des apparitions dans l’univers merveilleux d’Alice. 

Ci-dessous quelques unes de ces mines de minet (d’après réf. 2)

Il est probable que le processus de domestication en augmentant les possibilités de rencontre entre des animaux « naturellement » solitaires a favorisé la différenciation des expressions faciales chez le chat.

Ce qu’il faut retenir est que en présence d’un chat étranger, on doit être attentif à ses oreilles, ses yeux et moustaches. Ces éléments du visage de minet  sont très parlants et disent si oui ou non on a des chances d’être bien accueilli. Attention, si la  bouche est entrouverte, méfiance,  l’agression  est proche !

(1) L. Scott, B. N. Florkiewicz. 2023. Feline Faces: Unraveling the Social Function of Domestic Cat Facial Signals. Behavioural Processes . DOI: 10.1016/j.beproc.2023.104959

(2) G. Martvel, I. Shimshoni & A. Zamansky, 2023.  Automated Detection of Cat Facial Landmarks .. Computer Science. https://doi.org/10.48550/arXiv.2310.0979