Le larynx du chat et ses cordes vocales sont bâtis de telle sorte que sans effort et sans se prendre la tête notre animal préféré exprime sa satisfaction par un mélodieux et soutenu ronron. Ainsi ravit-il son entourage et participe-t-il de la bonne humeur dans le foyer (1).

Ronron, notre onomatopée qui exprime au mieux selon nous français  la douce musique qui s’échappe du gosier d’un chat heureux de vivre ne fait pas l’unanimité chez nos voisins, à une exception près : lc castillan dit « el gatto  ronronnea ». Mais les anglo-saxons écrivent « the cat purrs », les italiens  « il gatto fa le fura », et les allemands « Die Katze schnurrt ». Autrement dit, ce qui est une onomatopée évidente chez nous ne l’est pas chez nos voisins. Mais ce n’est pas de linguistique qu’il sera question ici, plutôt  d’anatomie et physiologie du chat : comment exprime-t-il ce très fameux ronron, musique de félicité par excellence quoique un peu monotone quelle qu’en soit sa traduction  dans le langage des hommes.

Un chat heureux sous les caresses. Science, Christine Glade iStock.

Le premier qui émit une théorie sur le sujet fut Richard Owen (1804-1892), surtout célèbre pour sa découverte puis son invention des Dinosauria. Très éclectique dans ses recherches zoologiques, en 1833 il proposa en se fondant sur l’étude anatomique de l’os hyoïde des carnivores félidés de distinguer les chats rugissants (roaring) tels le tigre, le lion, des chats ronronnant (= purring) dont le chat domestique est le meilleur exemple. 

Plus près de nous, il a été montré que la capacité de rugir était due aux cordes vocales particulières de certains félins associées à un appareil hyoïde élastique. A l’opposé jusqu’ici on croyait que les sons de basse fréquence du ronron des chats étaient sous contrôle  d’un influx nerveux qui contractait la musculature du gosier de manière appropriée pour émettre un son soutenu. Ainsi croyait-on que le ronron était sous contrôle du cerveau qui dirigeait la contraction des muscles. 

Il n’en est rien ! Une étude anatomique précise suggère à l’inverse que les basses fréquences (20 à 30 Herz) qu’émet le chat n’ont besoin pour être émises d’aucune contraction musculaire ni impulsion nerveuse : les mêmes mécanismes aérodynamiques que ceux qui génèrent les vocalisations à plus haute fréquence, comme les miaulements  à l’intérieur des cordes vocales permettent  aussi l’émission du ronronnement. 

Grâce à « the dodo » il et possible d’avoir un éventail sonore de ronrons par différents interprètes. Cette musique pour une oreille humaine paraitra monotone, uni corde. Mais qui sait : l’oreille des félins sait peut-être y trouver des vocalises subtiles et pleines de sous-entendus.

D’une façon générale on constate que les animaux de grande taille tel l’éléphant possèdent des cordes vocales plus allongées que ceux plus petits, ce qui leur permet d émettre des vocalises de basse fréquence. C’est la même règle qui s’applique aux instruments de musique : une contrebasse émet des notes basses, un violon des notes aigües. Un gros animal et un petit feront de même. 

Mais alors comment les chats peuvent-ils émettre des sons de basse fréquence eu égard leur taille ? 

Pour percer ce mystère les chercheurs ont conduit  une étude anatomique et expérimentale sur un groupe de huit chats euthanasiés pour des maux incurables divers : il aurait été impossible de faire subir à des chats vivants des protocoles expérimentaux pour comprendre les modalités du ronronnement. Et donc ces vétérinaires ont  découpé à peine morts les larynx de ces animaux  pour les présenter ensuite à une soufflerie afin de simuler des vocalisations. Avec cette méthode ils ont pu produire des ronronnements de 25 à 30 Herz de fréquence sans aucune difficulté et en particulier, on s’en doute,  sans l’aide d’aucune contraction musculaire ni influx nerveux issu du cerveau. Les cordes vocales ont vibré  grâce à cette aération dirigée en émettant un son grinçant  et soutenu. 

Replis vocaux du chat en vue transversale (A). La ligne jaune mesure la longueur des membranes vocales soit 7.5 mm. En  B  et C  coupe histologique du larynx  avec la position des coussinets (pad). Réf. 1.

Pour ces chercheurs, l’aptitude à produire de façon soutenue un ronronnement basse fréquence est facilitée par une adaptation anatomique originale illustrée ci-dessus. Les chats possèdent des coussinets  de quatre millimètres de long environ sur leurs cordes vocales, et ce  tout au long de la glotte. Ces excroissances  orientent et assurent la circulation de l’air en continu et permettent l’émission de vocalises sans effort. 

Pour autant il n’est pas impossible que le ronron ordinaire puisse être amplifié par une activité musculaire sporadique due à une circonstance imprévue, caresse d’un tiers bipède, rencontre d’un ou une partenaire, ou tout simplement présentation d’un repas particulièrement succulent. Dans ces conditions le ronron cesse d’être une simple marotte ou un tic – il ne sera bien sûr jamais un dada – mais se transforme en une musique mélodieuse destinée à un public complice.

  1. Herbst et al., 2023, Domestic cat larynges can produce purring frequencies without neural input. Current Biology 33, 1–6  November 6, 2023 . https://doi.org/10.1016/j.cub.2023.09.014 

(2) Sarah Kuta. 2023. Smithsonian Magazine. http://links.si.mkt6346.com/els/v2/gK8rSezYy~Q9/M0d4M2J5YnFCZ0Z1SzVQbXVBOWZhc3hjK2VoWWsxdUNOUkpxM1VpSExMQys0RmJjd3RNdVl3RHRobFNDWTB4cUJSelZvN241YUNsMnB4WEtKcXJsaDRMdHBObFBZcFVnS0xGU09sWVpEWWIyKzdXOTUzVTFadz09S0/