Histoires de Mammifères

Nous sommes des Mammifères, ne l'oublions jamais !

  • Renards, soldats de l’ombre

    Renards, soldats de l’ombre

    Entre 1943 et 1944, les services secrets américains développèrent un projet au nom de code Fantasia dans le but de démoraliser leur ennemi d’alors, le Japon. Se fondant sur les mythes et peurs de ce peuple shintoïste, il fut envisagé de débarquer sur ses côtes des bataillons de renards en tenue nocturne de combat, en l’occurrence la fourrure imprégnée de motifs radioactifs fluorescents symboles d’esprits malfaisants. Les ballades nocturnes dans les villes et campagnes de ces fantômes porte-poisse effraieraient et démoraliseraient durablement civils et militaires pensaient alors les chefs de l’OSS.

    En décembre 1941, l’attaque de Pearl Harbor fut un coup de massue pour les Etats-Unis. Ils  se décidèrent enfin à déclarer la guerre à toutes les puissances de l’Axe pour mettre un terme à leur projet fasciste de domination du monde. Dans le même temps fut  entreprise la réorganisation de fond en comble des organismes de gestion des moyens de guerre du pays, alors dernier bastion de la Liberté avec l’Angleterre, et ce sur tous les fronts. C’est ainsi que naquit en juin 1942 l’OSS (Office of Strategic Services) chargé de collecter des informations et d’organiser des opérations clandestines tous azimuts, afin de  contrecarrer tous ces  adversaires à « chemises noires »,  de l’Europe au Pacifique.  Cette nouvelle administration eut dès sa création un privilège : ni le Sénat ni le Congrès n’avaient droit de regard sur les opérations projetées. . « America first » aurait pu être son slogan, et on devine qu’il l’est resté  jusqu’à nos jours pour son successeur, la CIA (Central Intelligence Agency). 

    Sous la houlette de son chef « Wild Bill » Donovan, l’OSS  recruta à tour de bras et de cerveaux.  Le mot d’ordre que recevait chaque nouvelle recrue était de pondre des mémos proposant des actions aussi rapides que meurtrières adaptées aux ennemis, dans le but de déstabiliser et démoraliser les populations civiles et militaires, en tous lieux et toutes circonstances, afin de le mettre à genoux et lui faire rendre  merci dans les plus brefs délais.

    Pour le front oriental, parmi les nouveaux engagés,  on comptait sur les compétences de Ed Salinger,  un ancien homme d’affaires qui avait travaillé au Japon : il connaissait parfaitement la langue, et avait vécu suffisamment  longtemps dans le pays pour s’imprégner de sa culture, de ses moeurs et des mythes qui l’habitent. 

    Son premier rapport fut très bien reçu par ses supérieurs. En filigrane, il rappelait que les nippons pratiquent dans leur majorité la religion shintoïste, ce qui les rend sensibles et même vulnérables à certains mythes et  croyances qui n’ont pas cours dans le monde occidental, et que l’on rejette même sans le moindre état d’âme.  Ainsi instruisit-il ses collègues espions de l’importance de « kitsune » dans l’imaginaire et la culture nippone, autrement dit le renard porte-poisse. Il est un esprit particulièrement maléfique et redouté, qui sous les allures d’un goupil peut croiser à tout moment, et surtout la nuit, la route des honnêtes gens. Au gré de ses fantaisies et de son humeur il leur porte guigne, adversité, déveine et autres malheurs,  et en un mot terrorise les plus courageux. 

     Renards avez-vous dit ? Mais nous n’en manquons pas chez nous lui fut-il répondu. Des vrais et des faux. Et on déclencha l’opération « Fantasia » dont il reste des traces illustrées dans un dossier conservé aux archives du Pentagone.

    Le dossier Fantasia : kitsune, renard maléfique qui devait démoraliser les Japonais (illustration de Mellan Solly, via Smithsonian Institution)).

    La première idée proposée par  Salinger  à ses chefs  fut la fabrication  de faux kitsune. On gonfla donc des ballons, avec imprimée sur la baudruche l’image du renard maléfique : en survolant les villages du Japon ces agents peu couteux y  sèmeraient le désarroi. 

    Une autre de ses idée plus sonore que visuelle cette fois fut de diffuser des glapissements de renard grâce à des instruments appropriés pour effrayer les habitants. Mais au préalable, il fallait que des soldats US chargés de trompéter dans ces instruments aient débarqué sur les côtes du Japon afin d’alarmer les populations et les démoraliser. Et de telles opérations maritimes n’étaient pas encore envisageables. 

    Pourquoi ne pas diffuser des fragrances de goupil suggéra-t-il alors sous forme de bombes aérosols nauséabondes tombées du ciel et référencées « Fox n° 5 » ? 

    Aucune  de ces suggestions  ne trouva grâce auprès de ses supérieurs. 

    Pourtant  le projet Fantasia faisait long feu et tenait à coeur à ses promoteurs qui en revinrent  à la méthode la plus « naturelle » que Salinger avait proposé en premier : attraper des renards ici et là, en faire l’élevage, les entrainer à la natation tout temps, et après avoir imprégné leurs fourrures de peintures fluorescentes avec des motifs appropriés, les lâcher au large des iles du Japon.

    L’opération présentait de nombreuses difficultés techniques. La première : quel type de teinture utiliser pour imprégner la fourrure des animaux. 

    C’est un vétérinaire du zoo de Central Park qui proposa la solution : une teinture  radioactive qu’il avait expérimentée avec succès sur quelques uns de ses pensionnaires pourrait faire l’affaire. 

    On était en 1943 et une première expérience de lâcher de renards dûment teints de motifs fluorescents fut réalisée aux Etats-Unis même, près de sa capitale, Washington DC, dans le Rock Creek Park. Trente  renards y furent lâchés une belle nuit d’été qui arpentèrent les lieux sans se douter qu’ils jetaient l’effroi chez les promeneurs éberlués par cette mascarade aussi animale que fantomatique. La presse et la radio rapportèrent l’incident, et un des quotidiens le décrivit en ces termes « des citoyens horrifiés, ont été choqués par la vision soudaine d‘animaux fantômes qui bondissaient de ci de là. Plus qu’effrayés, ils se sont enfuis avec aux basques leur marmailles en larmes des coins sombres d’un  parc public jusqu’ici fréquenté  sans danger par tout un chacun et où des spectres menaçants venaient de surgir». 

    Cet Halloween estival  fit date et fut considéré comme un succès par les promoteurs de Fantasia.

    Mais il y avait un obstacle de taille : comment débarquer sur les côtes du Japon des bataillons de renards en habit de lumière nocturne ? Si on les lâchait à proximité des plages pourraient-ils faire preuve d’assez d’endurance pour nager jusqu’à atteindre la grève ? 

    On décida alors d’une nouvelle expérience. Dans la célèbre baie de Chesapeake, théâtre de nombreux épisodes guerriers de l’histoire des Etats-Unis, quelques dizaines de renards en tenue de combat furent jetés à l’eau afin d’apprécier leurs capacités natatoires. Du point de vue de leurs performances sportive, ce fut un succès : la plupart des renards franchirent l’estuaire  jusqu’à débarquer sans encombre sur l’autre rive. Mais il y eut un mais  de taille : la peinture radioactive de la plupart d’entre eux s’était dissoute et avait fondu dans l’eau saumâtre  au point de les transformer en renards anonymes à peine arrivés sur la berge.

    Dès lors il fallait envisager de débarquer sur les côtes du Japon des renards en nombre et bien vétus d’une parure effrayante souligna Ed Salinger dans un nouveau rapport.. Mais dans le même temps Salinger souleva une autre question  : était-on assuré que sans entrainement préalable les renards tout juste débarqués  n’essaient d’échapper à la fréquentation des humains et cherchent plutôt à s’en éloigner ? Donc très logiquement il proposa de débarquer  sur les côtes du Japon plus que des bataillons de renards, mais de véritables armées…Sur le nombre, il y aurait plusieurs dizaines voire plus de  ces soldats de l’ombre qui rempliraient leur  mission de saper durablement le moral  des Japonais.

    Et puis dans un ultime mémo, Salinger proposa de perfectionner la tenue de ses agents secrets en les affublants de peluches en forme de crâne humain, fixées sur leurs têtes, équipées d’un dispositif mécanique simple pour élever et abaisser la mâchoire afin de simuler l’ouverture et la fermeture de la bouche du crâne. Le tout devait être bien entendu luminescent.

    Mais c’en était trop sans doute, et aucune expérimentation inspirée des ultimes suggestions  de Salinger ne fut tentée.

    Dès fin septembre 1943, Stanley Lovell, le chef en charge de la réalisation  de l’opération Fantasia recommanda à l’issue d’une ultime réunion de son groupe d’abandonner purement et simplement le projet. Pourtant le personnage était réputé excentrique et s’était taillé une réputation certaine au sein de l’OSS. On le surnommait Professeur Moriarty, nom du principal ennemi de Sherlock Holmes. Lorsqu’il était en activité n’avait-il pas  proposé que soient injectées des hormones femelles dans les légumes servis aux repas d’Adolph Hitler dont sait qu’il était végétarien ? Cela entrainerait la chute de sa pilosité sous-nasale expliquait-il. Et Hitler sans moustaches ne serait plus Hitler !

    Mais quant à l’opération Fantasia, il prit la mesure de son inanité.

    Cette fable militaire est l’un des chapitres d’un ouvrage récemment paru sous la plume de Vincent Hougton, historien des sciences de la Smithsonian Institution (1). Cet écrivain a eu accès aux archives déclassifiées depuis peu du Pentagone après un demi siècle de secret. Et il a fait son miel de quelques aventures de la même veine que le projet Fantasia où se bousculent ignorance, prétention, suffisance, et pour tout dire en peu de  mots connerie aussi aveugle que martiale. Son titre en dit long : « Nuking the Moon », qui fait référence à un projet de 1958 de la CIA, successeur de l’OSS après  la Deuxième Guerre Mondiale, que l’on peut traduire par «  Atomiser la Lune », pas moins ! Un tel programme aurait sans aucun doute ravi et Jules Verne et Georges Méliès. Ils avaient plus qu’un plan dans leur tiroirs pour conquérir le bel astre : un livre et un film. 

     

    (1) Vince Hougton, 2019. Nuking the moon, and other intelligence schemes and military plots left on the drawing board. Penguin books. Merci à John Lisle de l’Université du Texas pigiste occasionnel du quotidien en ligne de la Smithsonian Institution 

  • Remues sauvages

    Remues sauvages

    Chaque année au début de la belle saison, biches, cerfs, chevreuils, wapitis et cerfs hémiones de l’Ancien et du Nouveau Monde s’élancent de leurs résidences d’hiver pour estiver plus au Nord dans un éden où l’herbe est plus grasse et plus verte. C’est le rythme de repousse des plantes qui déclenche la vagues de migration  de ces herbivores vers des lieux plus riches en herbage que  ne l’est leur séjour (1). 

    Dans les pays de montagnes, à la fin de l’hiver on ouvre les étables et  libère le bétail : le temps de la remue est venu. Vaches, veaux, boeufs, chèvres, moutons et agneaux s’élancent alors sur les pentes pour gagner les pâtures d’altitude. Dans ces pairies d’alpage libérées de la neige, les attend la nouvelle herbe grasse et drue qui va satisfaire les appétits de ce  bétail longtemps resté enfermé, arrondir leurs flancs et gonfler leurs pis.

    A la même époque les herbivores sauvages des deux continents du Nord, chevreuils, cerfs de différentes espèces, élans et rennes, tous  en rangs plus ou moins serrés migrent vers les territoires nordiques libérés de leur couvert neigeux hivernal. 

    Dans le premier cas, c’est le calendrier des hommes qui décide de la date de ce grand départ vers les alpages pour le séjour d’estive. Mais quel ressort sous-tend cette dynamique collective chez les animaux sauvages  qui eux aussi se déplacent en masse vers de plus vertes prairies, à moins qu’ils ne choisissent de rester plus longtemps dans leurs stations d’hiver ?

    Pour répondre à ces questions, un groupe de chercheurs s’est intéressé  aux rythmes et dates de  migrations annuelles de quatre espèces, deux d’Amérique du Nord, le cerf wapiti (elk) et le cerf hémione (mule deer) et deux d’Europe, le cerf élaphe (red deer) et le chevreuil (roe deer)

    wapiti (elk), cerf hémione (mule deer), cerf élaphe (red deer), chevreuil (roe deer)

     

    Ce sont au total 1696 individus de ces quatre espèces répartis dans 61 populations qui ont pu être suivis au jour le jour  au cours de plusieurs saisons grâce au port d’un collier GPS,  les uns dans les Montagnes Rocheuses en Amérique du Nord jusqu’en Alaska, les autres dans les zones alpines d’ Europe jusqu’en Scandinavie, alors que dans le même temps les observations satellitaires renseignaient sur l’état de la végétation, et de la vitesse de propagation de sa régénération printanière. Le but était de déterminer la date et les conditions du départ des herbivores migrants, et  de préciser les circonstances qui font  que suivant les années, il en est qui séjournent sur place plus longtemps, alors qu’à d’autres époques  les mêmes populations se déplacent subitement, presque du jour au lendemain  et en masse pour gagner de nouveaux pacages.

    Les cartes suivantes localisent les populations étudiées sur les deux continents. 

    Situation géographique des populations étudiées

    Se fondant sur ces données, les chercheurs ont pu mettre en évidence que c’est la dynamique de croissance des plantes au printemps qui déclenche cette vague de départ ou à l’inverse incite les herbivores à rester plus longtemps sur place. C’est le cas lorsque le printemps s’étire sur une longue période, ce qui incite les herbivores à ne pas se presser pour migrer.  Inversement les grandes migrations se déclenchent à l’occasion des printemps courts et subits qui voient une « vague verte » qui régénère les prairies et  gagne rapidement les hauteurs en altitude et en latitude. Et c’est ainsi que l’on peut dire qu’alors  les troupeaux d’herbivores surfent sur ce regain floral qui en quelques jours les voient franchir des centaines de kilomètres à la poursuite de l’or vert….

    C’est donc la repousse, la floraison, et plus généralement le rythme de développement plus ou moins rapide des plantes à la sortie de l’hiver qui déclenche les migrations plus ou moins brutales chez les herbivores sauvages. Ils sont au fait de la situation des ressources végétales de leur hivernage et des promesses de leur regain à plus ou moins long terme. Suivant les années;  ils choisissent soit de rester sur place, soit de migrer dans un court laps e temps. 

    D’évidence ce sont les animaux des montagnes qui vivent dans les Rocheuses en  Amérique et dans les  Alpes en Europe, qui sont les plus susceptibles de se déplacer au printemps. C’ est le cas des wapitis et d’autres espèces de cerfs. Mais à l’inverse, le chevreuil en Europe qui fréquente plutôt les plaines est plus casanier.  

     L’occasion de cette étude est de mettre en évidence une forme de l’intelligence animale jusque là peu documentée. Les herbivores montagnards savent analyser, comprendre, mémoriser la phénologie de la végétation d’altitude et en  déduire les comportements  de migration les mieux adaptés face aux aléas climatiques annuels qui rythment la production fourragère. Au fil du temps, ils ont acquis une perception historique des conditions climatiques qui régulent l’éclosion des herbages où ils vivent et qui les nourrissent. 

    Bien évidemment ces résultats doivent inciter les « aménageurs de territoire » à laisser libre des espaces, des corridors, des drailles  pour permettre  aux herbivores sauvages de migrer vers leurs stations d’estive.

    (1) Aikens et al., 2020. Wave-like Patterns of Plant Phenology Determine Ungulate Movement Tactics, Current Biology (2020), https://doi.org/10.1016/j.cub.2020.06.032 

  • Bien maquillée, la vache trouble le lion

    Bien maquillée, la vache trouble le lion

    Au Botswana, il y a presqu’autant d’éleveurs de bétail que de lions. La concurrence est rude : les grands prédateurs plutôt que de courir aux basques des buffles, antilopes et autres gazelles, préfèrent cantiner dans les élevages de bovins. Ce qui déplait aux bergers.  Et on les comprend. Ce type de conflit pourrait à terme condamner la présence des grands félins dans une région qui cherche à conjuguer éco tourisme et élevage. « Imitons la Nature » ont proposé des écologistes. Pour ce faire ils ont expérimenté avec succès l’adjonction d’ocelles  peinturlurés et bien placés sur le pelage des  ruminants. Le subterfuge a réussi : le regard des  faux yeux de vache trompe les grands prédateurs et les détourne d’un facile repas (1).

    Maquiller son corps pour séduire, mettre en garde ou se camoufler est très commun. On se pare de raies, tâches, tavelures pour se dissimuler, parfois même pour se glisser dans la peau d’un autre. De toutes ces décorations plus ou moins chatoyantes, les ocelles sont les petits yeux souvent bien placés qui émaillent par paire les corps, et ce regard aveugle trompe, trouble, distrait, détourne l’attention des autres, en particulier les prédateurs qui abusés, en arrivent à manquer un repas. Cette stratégie d’éloignement de l’ennemi a fait recette. L’image si dessous qui montre un tigre qui porte sur les épaules des faux yeux – je n’aime pas être dérangé quand je m’abreuve – les tout aussi fausses pupilles des ailes de papillon, celles des chenilles placées sur l’arrière train, ou du geckos sur les flancs, tous ces maquillages et  tatouages en forme d’yeux ont d’évidence même fonction : mettre en garde les importuns et les écarter  en les effrayant, et dans le même temps  se protéger de leur appétit. Ils jouent le rôle d’épouvantails. 

    Ocelles sur l’habit d’un tigre, d’un gecko, d’un papillon et d’une chenille.

    Dans les grands espaces de savane de l’Afrique, souvent voisinent des exploitations agricoles et des réserves d’animaux sauvages dévolues  à l’éco tourisme. Les deux nourrissent les populations, mais se trouvent en concurrence « naturellement » pourrait-on- dire. Car dans ces espaces de savanes parsemées de buissons peuvent se côtoyer  faune sauvages, grands herbivores  et leurs prédateurs, avec des troupeaux de bovins ou d’ovins domestiques. Et cela ne se passe pas toujours bien,. Pour les grands carnivores, lions, léopards, panthères et hyènes, vaches et boeufs sont des proies plus faciles que ne le sont les grands herbivores des mêmes lieux. Et bien sûr les bergers se rebiffent et cherchent à éliminer ces concurrents qu’ils considèrent déloyaux. N’avons-nous pas le même problème en Europe avec les loups ?

    C’est dans une région où la situation devenait intenable pour les fermiers tant les attaques étaient nombreuses que des écologistes ont proposé  un subterfuge :  dessiner et peindre de faux ocelles sur l’arrière train des bovidés. 

    Dans le Nord du Botswana, aux marges d’un site naturel classé et dévolu au tourisme « vert », le Okavango Delta World Heritage Site, il y a de petites exploitations agricoles. Chaque fermier a un troupeau d’une soixantaine de têtes, et leur élevage n’est pas destiné au commerce de la viande mais a valeur culturelle d’une part, et aussi vivrière. Ces dernières années, les bergers ont eu à subir de nombreuses pertes dans leurs troupeaux dues à des attaques de lions et léopards venus de la réserve naturelle voisine. Celle-ci est très touristique et représente une source de revenus non négligeable. Dès lors il est exclu d’envisager d’en éliminer les grands carnivores quels qu’ils soient.

    L’expérimentation proposée par les écologistes s’est étalée sur une période  de plusieurs semaines et a concerné plusieurs centaines de têtes de bétail répartis dans les prairies naturelles voisines du parc naturel sans surveillance. Alors qu’un échantillon témoin est resté en l’état, deux autres de même nombre, plusieurs centaines d’individus, ont été décorés l’un d’ocelles sur l’arrière-train, l’autre de croix peintes sur les flancs. 

    Arrière-trains de vaches marqués par de faux yeux bicolores, des croix ou sans marquage. (D’après réf. 1).

    Au bout du compte il a été constaté que les bovins « protégés » par les faux yeux n’avaient subi aucune attaque de carnivores, ceux marqués d’une croix 4 alors que  les 16 animaux tués dans cette période ne portaient aucun marquage.

    Dès lors on peut conclure sur l’efficacité du marquage avec ocelles  : ce regard artificiel de vache n’a rien de ferroviaire, d’indifférent pour les prédateurs qu’il croise. De fait, il les trouble et même les épouvante au point de leur couper l’appétit ! Et peinturlurer de fausses pupilles sur les cuisses des boeufs et vaches suffit pour écarter lions et léopards. Par contrecoup assurer leur survie et faciliter la coexistence de deux activités humaines autrement ennemis : le tourisme et l’élevage.

    Chez nous, pour éloigner les oiseux des récoltes on pose dans les arbres des figures de petits félins. En Afrique,  ce sont les vaches qu’il faut protéger des grands fauves.: les faux yeux qu’elles portent sur l’arrière-train ont même fonction. 

    Et si pour faire peur aux loups on posait des binocles sur les gigots de nos moutons ?

    Faux yeux et fausses moustaches effrayants.

     

    (1) Cameron Radford et al. ,2020. Artificial eyespots on cattle reduce predation by large carnivores. COMMUNICATIONS BIOLOGY | (2020)3:430 | https://doi.org/10.1038/s42003-020-01156-0 | http://www.nature.com/commsbio 

  • Syndrome de calcéomanie observé chez le renard roux des villes

    Syndrome de calcéomanie observé chez le renard roux des villes

    La collecte et conservation de chaussures à l’abri des regards des autres est un syndrome maniaco dépressif fréquemment observé chez les humains des deux sexes, au point de faire recette et dans les magasines, la littérature et le septième art. Cependant à ce jour il n’avait jamais été signalé chez un autre  mammifère, fut-il domestique ou sauvage. Ce n’est plus le cas. Ce syndrome affecte aussi Vulpes vulpes, le renard roux qui souvent fréquente nos cités. Il est  proposé de le dénommer « calcéomanie » (calceus = chaussure).

    La première observation chez un mammifère sauvage de cette pathologie que l’on peut ranger dans les syndromes maniaco-dépressifs nous est venu d’Allemagne. Mais très vite après ce signalement, d’autres faits de même nature ont été rapportés venant des quatre coins du monde. Tous observés en milieu urbain chez ce même  occupant familier de ces lieux : Vulpes vulpes, le renard roux.

    Le renard collectionneur de Zehelendorf et son butin. Photo Christian Meyer.

     

    C’est ainsi qu’outre près de Berlin, on a surpris quelques uns de ces collectionneurs pour trois paires à Melbourne, quarante  à Kyoto mais il est probable que dans bien d’autres villes de par le monde, des bipèdes se sont retrouvés orphelins d’une, deux ou plus de leurs godasses, disparues sans laisser de traces, prélevées sur les seuils ou rebords de fenêtres par d’indélicats goupils dans les pays de langue française, des zorros sans cape et sans vergogne dans ceux latins ou anglo-saxons.  

    Il est probable que comme dans le conte de Jean de La Fontaine c’est le délicat fumet dégagé par les croquenots qui attire les animaux. Déçu de ne pouvoir s’en repaitre, ils s’en saisissent pour jouer, et certains entament une collection que bientôt ils enrichiront chaque jour pour décorer leurs tanières 

    On peut constater sur la photo de Christian Meyer la palette de couleurs et les variété de chaussures ainsi empruntées par l’un de ses voisins à quatre pattes qu’il a surpris en plein délit : beaucoup de Crocs en plastique, des pantoufles, des sandales, spartiates, chaussures de sport, à l’unité ou par paires.

    On savait les pies voleuses : attirées par l’éclat des bijoux ou des pièces d’orfèvrerie, elles les accumulent dans leurs nids. Les singes sont prêts à toutes les farces pour dévaliser les voyageurs, mais ils sont plus chapardeurs que collectionneurs. Nos chiens et  chats ne sont pas tout le temps  de bonne compagnie : ils restent toujours sur le qui-vive pour dévorer un plat ou une pièce de viande, lassés sans doute de leurs croquettes,. Mais ce sont là maux naturels pour des animaux nous semble-t-il. Mais lorsqu’ils sont saisis comme ces renards de syndromes de nature psychiatrique, faut-il s’en inquiéter ? 

    Plutôt ne faudrai-il pas inciter ces renards trop urbains à un retour à la campagne ?

    Mais hélas ils n’y retrouveront pas les poulaillers que leurs ancêtres pillaient régulièrement. Pas plus que les gibiers sauvages, lapins, perdrix et jusqu’aux petits oiseaux qui en ont disparu. Leur retour à la terre me semble bien compromis, même s’il est soutenu par des subventions de notre Mère l’Europe. 

    Alors il vaut mieux un conseil : garder vos pompes à l’oeil.

  • 6 739 mètres : record mondial de séjour en altitude pour un mammifère

    6 739  mètres : record mondial de séjour en altitude pour un mammifère

    Le mammifère terrestre le plus haut du monde est une souris qui réside dans les Andes et fréquente le sommet du volcan Llullaillaco à 6739 mètres d’altitude dans le Nord du Chili (1).

    Les conditions de vie limite ont toujours été un objet de fascination car elles supposent de la part des organismes des adaptations hors du commun. En très haute altitude les vertébrés endothermiques doivent en particulier surmonter deux obstacles : l’hypoxie ou réduction de l’oxygène dans l’air, et les très basses températures. Il n’empêche que, souvent qualifiés d’alpins, des oiseaux et des mammifères ont acquis des capacités physiologiques qui leur permettent de séjourner près des sommets des différentes chaines de montagne du globe. 

    Pour les mammifères, on s’accordait à considérer  jusqu’à ce jour que les plus hautes espèces pouvaient habiter les hauteurs entre 5200 et 5800 mètres. Un record avait été attribué à un pika (Ochotona macrotis), petit lagomorphe, observé en 1921 lors d’une expédition à 6130 mètres d’altitude sur les flancs de l’Everest.

    C’est dans les Andes,  que ce record  vient d’être battu par un un rongeur cricétidé du genre Phyllotis, dit « souris jaune à grandes oreilles » dont le poids ne dépasse pas 55 grammes. 

    Comme le montre cette vidéo, ce fut une découverte haletante pour les chercheurs, alors que le petit animal de son côté tentait de leur échapper avec une étonnante vivacité  https://news.unl.edu/newsrooms/today/article/mighty-mouse-storz-discovers-world-s-highest-elevation-mammal/

    Cette espèce est présente dans toute la Cordillère des Andes du Nord au Sud, depuis les plages du Pacifique jusque aux hauts plateaux  de 5000 mètres, au Pérou, en Bolivie, en Argentine et au Chili aussi. 

    Les premiers indices de la présence dans des stations plus élevées datent de 2013, après que furent mis en place des systèmes de piégeage physique et  des caméras vidéos espions.   

    Ce n’est que plus récemment qu’un groupe d’alpinistes-zoologistes a pu poursuivre jusqu’au somment du volcan et capturer trois spécimens de cette bestiole 

    A gauche le Llullaillaco, deuxième volcan actif au monde (cliché Jay Storz) et la souris jaune, sa résidente à l’année (cliché Marcial Quiroga-Carmona)

     

    Il faut reconnaître que c’est maintenant que le travail scientifique va commencer. Il s’agit du maintien en captivité et en bonne santé dans de bonnes conditions du petit animal, d’une certaine façon sevré d’altitude, et des études sur son métabolisme, en particulier. l’ hémoglobine.  

    Des études précédentes outre sa filiation génétique, on ne sait guère qu’une chose : pour son régime alimentaire l’animal n’est guère difficile. Tout fait ventre pour lui, baies, fruits, insectes, graines et herbages. Cette diversité dans le choix du menu du jour est sans nul doute un atout. Il est aussi très prolifique. Se reproduira-il en captivité ? 

    Rien n’est moins sûr et pour l’heure son signalement ne s’inscrit qu’à la rubrique des exploits sportifs utiles. Tout reste à faire pour que soient compris et mis en musique son système sanguin et plus généralement son métabolisme. Que vont-ils nous apprendre ? 

    1. J.F. Storz et al. Discovery of the world’s highest-dwelling mammal. Proceedings of the National Academy of Sciences. Published July 16, 2020. 

    doi: 10.1073/pnas.2005265117.

  • Dès la rentrée, tous à l’école des chauve-souris

    Dès la rentrée, tous à l’école des chauve-souris

    Nous avons beaucoup à apprendre des chauve-souris souligne un groupe de chercheurs (1). En premier lieu, elles ont une tradition de vie sociale quasi urbaine  qui dépasse de loin la notre, la plus ancienne qui soit chez les Mammifères : 60 millions d’années. Leur longévité eu égard leur taille en fait des championnes olympiques  de la catégorie.  Quant à leur système immunitaire il est ultra performant, et les met  à l’abri de bien des maux de toutes sortes, parasites, bacilles et virus,  qui chez les Humains font des ravages. Alors pourquoi ne pas creuser la question et chercher à les imiter ? 

    Reconnaissons d’abord que les chauve-souris n’ont pas bonne presse, et ce de longue date. Et pas seulement parce qu’il y a des vampires dans leurs rangs.Il faut dire que leurs figures sont peu engageantes, souvent plus que laides, hideuses,  et tout un chacun  craint leurs virevoltes nocturnes jusqu’à redouter qu’elles n’emmêlent leurs griffes et voilures  dans nos chevelures. Au final, dans la tradition populaire, tout l’ail du monde ne saurait nous prévenir de leur supposée nuisance. 

    Leur mauvaise réputation s’est encore assombrie récemment quand à l’occasion de différentes pandémies il fut avancé que les virus responsables de ces fléaux provenaient de souches abritées avec une certaine complaisance par des chauve-souris au demeurant fort communes. Comme on a identifié de par le monde plus de 1400 espèces de ces petits mammifères volants, certains se sont dits que nos malheurs ne faisaient que débuter.  Après différentes rages, Ebola et autres SARS-Cov-1, puis SARS-CO-2 , aujourd’hui COVID-19, combien d’autres zoo-pathogènes s’abattront-ils sur l’Humanité portées à domicile par ces agents ailés  ?

    Alors, faut-il considérer nuisibles les Chauve-souris, et pourquoi pas se débarrasser de cette engeance ?

    Le groupe de chercheurs à l’origine de l’étude de référence de ce billet propose plutôt en premier lieu de les mieux connaître, d’analyser leurs vertus avant de se désoler de leurs imperfections, pour au bout du compte chercher à les imiter au lieu de les combattre. de front.

    Less premières chauve-souris sont apparues voici 60 millions d’années, et bien qu’elles soient aujourd’hui très diversifiées, 1400 espèces sur tous les continents à l’exclusion de  l’Antarctique, d’une certaine façon, telles qu’en elles-mêmes l’éternité ne les a guère changées.  L’image de cette « chauve-souris d’Icare » (Icaronycteryx) de l’Eocène du Wyoming (52. 2 ma) est là pour le prouver. 

    Icaronycteryx index de Jepsen (1903-1974). Eocene, Green River Formation, Wyoming. Royal Museum Ontario

    Les doigts déliés soutiennent la membrane alaire et elles battent l’air et volent haut comme aucun autre mammifère n’en  fut jamais capable, atteignant en vol ascendant des altitudes élevés. Elles sont capables de parcours de plusieurs dizaine de kilomètres en se jouant des obstacles, le tout de nuit et par tous les temps.

    J’ajoute que de ces époques reculées, et même quelques millions d’années plus tôt, de nombreuses autres espèces nous sont connues. Et parmi elles, chez quelques unes d’entre elles outre  les mêmes aptitudes aériennes que les contemporaines, on a pu montrer que déjà elles avaient la possibilité de se déplacer par écholocation depuis les grottes où elles séjournent pour rejoindre leurs terrains de chasse. 

    Les chauve-souris vivent en colonie très nombreuses, jusqu’à plusieurs milliers, et souvent dans des lieux qui ne permettent guère le respect des règles de distanciation. Dans les grottes, cavernes, caves, clochers, greniers, arbres creux ou futaies, pendus par les pieds au repos, les petits animaux sont à touche-touche. Et le soir venu, sans aucune assistance satellitaire, tous s’élancent dans les airs pour trouver pitance à des distances considérables. Au matin les mêmes  regagnent leurs HLM sans se tromper d’adresse, nourrissent leurs petits et s’assoupissent pour la journée. 

    Avec humour, les chercheurs cités font remarquer en deux dessins que les Chauve-souris ont une bien plus longue expérience  que nous autres humaines et de la vie urbaine très resserrée et des vols  de nuit longue distance, tant il est vrai que les premières cités de nos civilisations ne se sont construites qu’il ya deux ou trois  milliers d’années, et que les déplacements massifs d’humains par transport aérien datent d’une petite centaine d’années.

    Ancienneté de l’adaptation à la vie regroupé et au vol chez les humains et chez les chauve-souris (d’après réf. 1)

    Mais la première qualité des Chauve-souris qui doit interpeler tous les gérontologues et leurs patients actuels et à venir est sans aucun leur longévité eu égard leur poids. Le schéma suivant montre bien que ces petits animaux volants sont de loin les champions olympiques de la catégorie.

    Les Chauve-souris (en rouge) vivent plus longtemps que les Mammifères de même taille (d’après réf. 1).

     

    Une longévité moyenne de l’ordre de 20 ans est chez elles monnaie courante, soit 9.8 fois plus que la moyenne des mammifères de même taille. Et des records de plus de 40 ans ont été enregistrés chez plusieurs espèces.

    Quelles qualités intrinsèques en font des mathusalems au demeurant à l’abri de bien des pathologies, entre autres les maladies cardiovasculaires, les cancers, Alzheimer, diabètes et aussi les les maladies infectieuses , bacillaires ou virales ?  

    On évoque souvent le rythme d’hibernation annuel qui permettrait à ces cavernicoles d’économiser, voire régénérer leurs forces. Ces parenthèses métaboliques de vie confinée au ralenti seraient leur secret de longue vie. C’est possible, et bien des mammifères qui hivernent ont une plus longue durée de vie que les autres

    S l’on creuse le sujet et s’intéresse aux spécificités métaboliques des systèmes cellulaires des chauve-souris et les compare à ceux des autres mammifères, il est possible de mettre en évidence des caractéristiques cellulaires propres à ce groupe et qui même n’appartiennent qu’à lui. En particulier on a pu noter que chez de nombreuses chauve-souris, lors d’une attaque virale ou bactérienne, il n’y a pas de signe d’inflammation généralisée, et ce grâce à un système d’interféron gouvernés par des gènes spécifiques qui jugule l’inflammation.

    L’image suivante illustre que de nombreuses caractéristiques métaboliques liées au vieillissement  chez les autres mammifères sont  inopérantes chez les Chauve-souris (rectangles jaunes), à savoir : 

    • sénescence réduite
    • système mitochondrial renforcé
    • modifications de certains gènes
    • résistance aux stress  oxydants
    • système de telomères
    • plusieurs gènes de réparation de l’ADN
    • d’autres encore qui concernent la communication intercellulaire, les cellules souches et les altérations épi génétiques demandent à être testées  (?). 
    Adaptations à la longévité chez les chauve souris (d’après réf. 1).

    On peut supposer que ces acquisitions sont liées à leur mode de vie. Les chauve-souris sont les seuls mammifères volants, et pour s’adonner à cette activité très énergivore elles ont du s’adapter à ses exigences, en particulier l’augmentation rapide de la température corporelle, ce qui implique de fréquents crescendos métaboliques, ce qui  peut provoquer  la dégradation de certaines molécules vitales. Ces mêmes adaptions ont pu aussi être utilisés dans la résistance aux maladies. 

    Un autre facteur est leur environnement au sens large. Bien des chauve-souris vivent en colonies avec une forte densité de population dans leurs lieux de repos, conditions idéales pour transmettre des virus et autres pathogènes. De plus au quotidien, elles s’envolent pour de longues courses pour ramener de la nourriture à leurs nichées, et ces transports aériens favorisent aussi celui des germes de tout type et leur diffusion aux comparses. Aussi leur système immunitaire doit toujours rester sur ses gardes.. Et c’est sans doute ces composantes qui ont contribué à forger les deux qualités principales des chauve-souris : longévité et immunité. 

    Si l’on veut suivre leur exemple, on comprend bien que ce n’est pas le moment de jeter nos masques aux orties et de s’agglutiner dans des lieux clos pour banqueter, danser, applaudir aux exploits de sportifs, ou de chanteurs, ou assister en foule à des cultes quels qu’ils soient. Nous n’avons pas encore acquis les mécanismes très sophistiqués qui permettent aux chauve-souris de coexister en masse dans des lieux confinés sans risque d’infection virale. Et comme nous avons adopté les mêmes moeurs en un temps record, pour l’heure nous sommes incapables de combattre les virus et les infections qu’ils provoquent avec la même efficacité

    Reste que grâce à notre cerveau, nous avons acquis des savoir-faire, et nos facultés d’imitation du Vivant dans ses différents aspects nous ont permis de mettre en oeuvre différentes thérapies géniques, immunitaires et autres, et de surmonter bien des maux propres à notre espèce, qui il n’y a pas longtemps vivait dispersée en petits groupes et aujourd’hui se concentre dans des cités de parfois plus de dizaines de millions d’individus. Alors nos techniques du « génie génétique » en suivant l’exemple des chauve-souris nous permettront-elles d’ éliminer les quelques gènes qui provoquent des inflammations, vivre plus longtemps et faire face aux effets délétères des virus qui aujourd’hui nous mettent bas ? 

    « Imitons les chauve-souris » proposent en conclusion ce groupe de chercheurs.

    A leur propos, il n’est pas inintéressant comme ils le soulignent d’évoquer les conditions qui les ont amenés à se pencher sur ces questions : la trêve imposée par le confinement dans les  labo comme ailleurs ni est pas pour rien. Profitant de ce répit qui les a éloignés des tâches administratives très chronophage, (rédaction de projets, remplissage de formulaires destinés aux institutions et agences de financement, relecture des projets de collègue pour évaluation etc…),  cette parenthèse leur a permis de lire des travaux hors de leurs étroites spécialités, de se concerter et de réfléchir en groupe sur les questions fondamentales qui se posent dans leur discipline et que les contrats court terme qu’on leur propose d’ordinaire ne permettent pas d’aborder. Une fois de plus il faut le répéter, n’en déplaise aux instances de gestion de la Recherche,  les gens de labo ont plus besoin de temps pour réfléchir et imaginer des protocoles que de se consacrer à remplir des formulaires d’évaluation et autres grimoires, dont par ailleurs ils se doutent de la destination.

    (1). Vera Gorbunova, Andrei Seluanov, Brian K. Kennedy. The World Goes Bats: Living Longer and Tolerating Viruses. Cell Metabolism, 2020; 32 (1): 31 DOI: 10.1016/j.cmet.2020.06.013

  • Les animaux malades de la route

    Les animaux malades de la route

    Sur les routes d’Europe, chaque année environ 194 millions d’oiseaux et 29 millions de mammifères trouveraient la mort. Cette mortalité routière, somme toute très ordinaire, et à laquelle s’ajoute celle due à  la circulation ferroviaire, affecte gravement la démographie des populations locales de nombreuses espèces, au point de mettre à court terme en péril leur survie.(1). Cependant, c’est paradoxalement une mortalité qui passe inaperçue, surtout en milieu urbain, parce que  sans cadavres : dans les heures qui suivent les accidents, les nécrophages de tout type font place nette (2).

    La densité en voies de communication de l’Europe est l’une des plus élevée au monde : son maillage est si serré que sur 50% de ce territoire, tout lieu est à une distance de moins de 1.5 km d’une voie de communication. Cette densité et le trafic intense des véhicules qui y circulent  de jour comme de nuit ont un impact très négatif sur les populations d’oiseaux et de mammifères, au point de mettre en danger de nombreuses espèces, dont certaines très communes et que l’on pourrait croire naturellement protégées des nuisances humaines.  

    A l’évidence, comme de nombreuses études le prouvent, le trafic routier met en danger la biodiversité. Aussi est-il il est urgent de s’en préoccuper; et en premier lieu d’en évaluer l’impact. 

    L’étude citée en référence (1) a dans un premier temps inventorié en Europe sur une longue période les accidents d’animaux bien documentés, le but étant d’établir un modèle prédictif qui prend en compte les caractéristiques et qualités des animaux victimes de la route, que ce soient des Oiseaux ou des Mammifères. Ainsi ils ont pu  « mesurer » la vulnérabilité de centaines d’espèces en fonction de leur habitat,  longévité, densité, poids, régime alimentaire ,  rythme d’activité diurne ou nocturne etc…Au total ce sont 20 critères répertoriés dans la colonne de gauche qui ont été pris en considération. Ces variables sont classées de bas en haut en fonction du risque croissant qu’elles font encourir à chaque espèce.

    Les deux schémas suivants illustrent la vulnérabilité  aux accidents de la route des Oiseaux et de Mammifères et en orange apparaissent les variables  avec l’impact le plus négatif.

    Causes de la Vulnérabilité

    On constate ainsi que les Oiseaux les plus fréquemment victimes de la route sont ceux de petite taille, qui ont une densité de population élevée, qui sont omnivores ou granivores, et ce sont les jeunes qui sont le plus souvent tués. 

    Pour les Mammifères ce sont presque les mêmes tendances : les plus petits, ceux qui ont un territoire réduit, une longévité courte et sont plutôt nocturnes sont les principales victimes. Et bien sûr dans ce cas aussi ce sont les jeunes les plus fréquemment victimes de la route. 

    Ainsi chez les Oiseaux c’est la gélinotte des bois, petit gallinacé, et pour les Mammifères l’écureuil terrestre roux qui arrivent en tête des animaux les plus fréquemment accidentés. Il se trouve  que ces deux espèces sont très communes en Europe, et par ailleurs l’Union Internationale de la Conservation de la Nature (UICN), ne les considère pas comme des animaux en danger, et elles ne ne sont donc pas sur sa trop célèbre Liste Rouge des espèces menacées à court terme d’extinction ! 

    Au demeurant, seulement quelques espèces de cette fameuse Liste Rouge se retrouvent aussi sur celles des principales victimes du trafic routier : ce sont le foulque à crête qui vit dans le Sud de l’Espagne, 14ème  espèce d’Oiseaux  la plus menacée sur 423, et  le rat taupe des Balkans, 2ème espèce sur cette même liste sur 212 Mammifères

    De fait sur 84 Oiseaux et 42 Mammifères considérés comme très vulnérables du fait du trafic routier, seulement 20 % d’entre elles sont aussi considérées par l’UICN en danger ou menacées.  

    En conclusion de leur étude, les chercheurs illustrent sur une la carte de l’Europe leur prédiction quant au nombre d’animaux tués sur les routes chaque année par carré de 50 km x 50 km. 

    Nombre de victimes/an sur un quadrillage de 50km x 50km

     

    Sans surprise, ce sont les zones (orangé et rouge) où le réseau routier est le plus dense où l’on peut prédire qu’il a le plus grand nombre d’animaux tués, jusqu’à 490 000/an pour les oiseaux et 73 109/an pour les mammifères par carré unité. 

    Paradoxalement, cette mortalité routière élevée passe relativement inaperçue, et des autorités en charge de la la gestion des milieux, et aussi du grand public. Ceci pour une simple raison : les cadavres disparaissent rapidement, dévorés en un clin d’oeil des lieux d’accidents par les charognards de tout type et toute taille, animaux sauvages ou domestiques.

    J’ai eu l’occasion dans le blog Decodeurs360  (https://decodeurs360.org/societe/ils-meurent-par-millions/)  de signaler une étude réalisée en Grande-Bretagne  (2) qui illustre la rapidité avec laquelle sont dévorés les animaux victimes de la route : en mettant sous surveillance vidéo six zones résidentielles et six autres de parking, ils constatent que dans les 12 heures 70 % des cadavres ont disparu, rats et souris des villes et des champs assurant les travaux de finition ! 

    Aussi c’est peu de dire que le nombre d’animaux accidentés de la route est largement sous-estimé.

    Ces constats alarmants seront-ils pris en compte et par les autorités et les usagers de la route ? 

    Vont-ils les uns et les autres coordonner leurs efforts et « inventer » l’Ecologie de la Route ?

    Vaste programme ! Et de longue haleine, alors qu’il est envisagé que dans les 3 décennies à venir environ 25 millions de de kilomètres de routes asphaltées supplémentaires  seront construites de par le Monde, et que l’on comptera environ 5 fois plus d’automobiles qu’aujourd’hui…Et qu’ils soient électriques ou thermiques, ces 4.9 milliards de véhicules  seront tout aussi meurtriers.

    (1) C. Grilo, E. Koroleva, R. Andrasik, M. Bil, M. Gonzaz-Suarez. 2020. Roadkill risk in population vulnerability in European birds and mammals.  Front Ecol Environ. doi:10.1002/fee.2216

     

    (2) A.L.M. Schwartz zt al. 2018. Roadkill scavanging in an urban environment. Journal of Urban Ecology, 2018, 1–7 doi: 10.1093/jue/juy006

  • La physique tirée par les cheveux

    La physique tirée par les cheveux

    Quel poil est le plus fort ? Le plus fin ou le plus dru ? L’expérience montre que c’est le second qui cède en premier. Autrement dit la fable végétale de Jean de la Fontaine qui oppose  et compare dans la tempête la robustesse du chêne et celle du roseau trouve son pendant dans le monde animal : les poils et cheveux des Mammifères sont d’autant plus résistants qu’ils sont ténus, et ils résistent mieux à l’étirement que les soies et crins plus épais. Ce sont des physiciens  spécialistes de résistance des matériaux qui sont à la manoeuvre pour le démontrer (1).

    En ces temps de confinement où coiffeurs et barbiers sont sur la touche,  la nostalgie invite à évoquer les qualités et défauts de nos toisons si peu maitrisées aujourd’hui qu’elles pourraient bientôt nous aveugler. 

    Nos cheveux sont réputés résistants, et une légende rapporte que l’on pourrait sans peine être soulevé.e  par la tignasse en empoignant une touffe de 500 à 1000 de nos tifs.  Le « sans peine » fait référence à une méthode d’apprentissage certes populaire, mais qui ne garantit pas qu’elle soit indolore. 

    Ce n’est heureusement  pas ce type d’épreuve qu’ont mis en oeuvre un groupe de physiciens de l’Université de Berkeley, Californie. Avec des instruments classiques de physique pour évaluer les qualités de tension des matériaux, ils ont étiré différents brins de cheveux et poils de mammifères jusqu’à leur point de rupture pour éprouver et quantifier la résistance des toisons des uns et des autres. Le critère choisi dans cette démarche capillo-tractrice, fut le diamètre des cheveux pour les uns, poils, soies et autres phanères pour d’autres, des plus fins aux plus drus. 

    D’une certaine façon, c’est là tester la qualité première des Mammifères : le port d’une fourrure est notre apanage. Cette toison à la fois protège, pare, est aussi une  carte d’identité, à l’occasion une tenue de camouflage, et chez les humains l’objet de soins soutenus, hélas aussi de déconvenues : chauve qui peut ouït-on parfois.

    Chaque élément de la chevelure ou fourrure est fabriqué par certaines glandes dermiques et constitué  de fibres de kératine. L’unité première d’un poil est une molécule hélicoïdale fibreuse de cette matière qui forme des filaments en structure emboitée, le tout s’agrège  et constitue un cylindre  enveloppé d’une cuticule écailleuse de même substance. 

    Fig.1 Structure de la molécule de kératine et d’un poil (Futura et Ref. 1)

     

    Les poils les plus fins sont les cheveux  des humains : 80 à 100 microns pour ceux du chef des adultes, mâles ou femelles., de même diamètre que la laine des moutons que nous ne tondons pas seulement qu’en chanson. Les poils de barbe des hommes sont à peine plus épais, mais ceux des enfants plus fins, 60 microns. 

    La robe des  chevaux est faite de poils assez semblables aux nôtres dans la structure, mais ils sont 50 % plus épais. 

    Le poil d’ours est l’un des plus fins, 80 microns, alors que les soies d’un sanglier ou d’un pécari frôlent les 230 microns, celles d’un éléphanteau 330 microns et  à l’âge adulte les rares poils d’éléphant voisinent  1.5 mm de diamètre. 

    La toison de girafe est faite de poils presqu’aussi drus (370 à plus de 400  microns). 

    Tous ceux précédemment cités sont cylindriques alors que les  poils du capibara, rongeur géant d’Amérique du Sud  sont de section ovale.

    Usant d’un appareil classique de résistance à l’étirement des matériaux, après avoir prélevé des segments de cheveux et poils de 20 à 30 millimètres de long, ils les ont soumis à des tractions d’étirement jusqu’au point de rupture. L’unité de mesure de ces expériences est le méga-pascal 

      

    Fig. 2. Tensiomètre et mesures expérimentales tension/diamètre de poils. (Ref. 1) alignées sur une fonction de Weibull.

    Quelles conclusions tirer de ces savantes études ?

     1) En premier que tirer le cheveu d’un enfants avant qu’il ne cède exige une traction presque trois fois supérieure à celle requise pour rompre un cheveu d’un ou une adulte.

    2) Les hommes barbus pour leur grand malheur sont plus fragiles qu’on imagine des poils de leur  menton.

    3) Ebourrer un sanglier, un pécari, un éléphant ou une girafe, même s’ils ont des poils plus fragiles que les nôtres nécessite tout de même force et courage.

    4)  Ce sont des défauts dans la structure du cortex des poils épais qui sont responsables de leur relative fragilité par rapport aux cheveux et poils plus fins.

    5)  Bien évidemment ce sont les qualités d’élasticité des molécules hélicoïdales des filaments de kératine du cortex qui sont mises  à l’épreuve dans ce type d’expérimentation. 

    Dès lors, sachant que la résistance d’un cheveu est liée à la cohésion des fibres de kératine de son cortex, est-il utile pour prétendre le renforcer d’oindre d’un cosmétique sa cuticule  ?

    1. Wen Yang, Yang YU, Robert O? Riichie, Marc A. Meyers. 2020. On the the strength of Hair across species. Matters, 2, 136-149 https://doi.org/10.1016/j.matt.2019.09.019 
  • Les virus, les animaux et nous

    Les virus, les animaux et nous

    C’est une cohabitation, une coexistence, qui s’inscrit dans le temps. Et même depuis la nuit des temps. Apparus avant nous,  les virus sont partout, dans tous les milieux (1), et comme tous les autres êtres vivants nous en accueillons des nombres  et variétés incommensurables.  Ces colons minuscules sont le plus souvent inoffensifs.Après tout leur survie est liée à celle de leurs hôtes… à moins de changer d’hôte. Et cela, les virus savent faire. Et c’est ici que peuvent commencer les problèmes pour le nouveau convive.

    A quoi cela est du ? On ne le sait trop. Si ce n‘est que les virus comme tous les êtres vivants évoluent, se transforment, s’adaptent. Et puis ils ont le tempérament baladeur et changent d’hôtes au gré des opportunités environnementales aussi changeantes que peut l’être notre biosphère en perpétuelle mutation.

    La mémoire humaine a retenu, puis oublié de multiples batailles, et même des guerres qu’il a fallu mener contre des virus. Nous en vivons une qui a un nom : pandémie du COVID-19. Nous n’en sommes qu’à ses débuts : des projections envisagent qu’elle perdurera jusqu’en 2024, entrecoupée pour les  150 pays où elle se manifeste de plusieurs périodes de confinement pour les populations, au moins jusqu’à 2022, pour ensuite régresser jusqu’à disparaître. (2).  Donc il va falloir longtemps vivre avec.

    Et oui nous sommes en guerre. Et dans une guerre, la première nécessité est de bien identifier l’ennemi et ses complices. Pour cela  regardons l’Histoire sans oeillères et puisons dans ses archives pour y trouver des expériences, les victoires aussi bien que les échecs qui nous aiderons à nous mettre en ordre de bataille, et qui sait vaincre ce SARS-Cov-2 qui aujourd’hui nous paralyse.

    La premier incident grave récent d’origine virale qui me vient à l’esprit est l’Epidémie de Fièvre Porcine due au coronavirus PEDv qui a décimé ce cheptel aux USA en 2013, et comment elle a été jugulée. 

    C’est au printemps 2013 qu’elle est apparue et bientôt 32 états de ce pays ont été touchés et 8 millions de porcs ont du être abattus. 

    Il se trouve qu’on a pu identifier rapidement le virus responsable de la maladie, et surtout s’assurer qu’il n’affectait pas les humains. Il n’empêche que  en quelques mois jusqu’à 10 %  des cochons d’outre Atlantique ont été infestés. Ce qui a fait chuté les cours de cette viande : santé et économie ne sont jamais bien loin lors de ce type de  désastre !

    Pour combattre l’expansion de la maladie, les éleveurs ont entrepris une grande campagne de nettoyage, de désinfection et isolation des fermes à cochons. Surtout on a mis fin aux pérégrinations des troupeaux de cochons, transportés jusqu’alors depuis les fermes d’élevage sur des milliers de kilomètres de marchés en marchés à travers le pays pour être vendus au meilleur prix. Et les bétaillères aussi ont été confiées aux fermiers avant embarquement de leurs ouailles pour être désinfectées par leurs soins. Sans oublier d’exiger des chauffeurs et manutentionnaires une hygiène stricte : ils pouvaient jouer le rôle de vecteurs du virus. 

    Tous les fermiers suivirent strictement ces protocoles et aussi s’obligèrent à ne plus se fréquenter, sinon après s’être soigneusement lavés et avoir changé de vêtements. 

    Et l’on peut voir sur la figure suivante que la production de porcs et cochons est repartie à la hausse  après qu’aient été prises ces mesures de prophylaxie.

    Fig.1 Production de porcs et cochons aux USA

    Cette histoire doit nous ouvrir les yeux. 

    Un premier constat : il n’existait pas de vaccin « longue durée » pour protéger les cochons du coronavirus PEDv, et je crois qu’il n’en existe toujours pas. Ce sont les fermiers et eux seuls qui ont combattu et jugulé l’épidémie. 

    Le deuxième est que le SARS-Co-2 et le PEDv  appartiennent à la même famille de coronavirus et ont bien des points communs : les deux ciblent différents hôtes et différentes parties de leurs corps.  Le troisième et le plus important est que pour combattre l’épidémie, une hygiène stricte fut  la première arme. La deuxième a consisté à mettre fin aux « voyages » des cochons d’élevage qui d’évidence favorisaient la propagation du virus. 

    L’expérience appliquée aux humains implique donc que pour combattre une épidémie virale, il faut que nous adoptions des mesures d’hygiène renforcées, pluri quotidiennes, cessions de voyager et mettions fin à la mode du « tourisme mondial » et aussi apprenions à déceler les symptômes de la maladie. 

    Mais aussi il va falloir que nous surveillons de près nos fréquentations, en particulier tous les Mammifères proches de nous, soit parce que ce sont des animaux qualifiés de domestiques, soit parce qu’ils ont une proximité phylogénétique qui fait que leurs virus  sont si ce n’est  analogues, du moins très proches de ceux des humains. 

    Et oui il faut nous rendre à cette évidence : nous sommes des Mammifères, et de par cette proximité phylogènétique, tous sans exception sont susceptibles de nous transmettre des zoonoses, c’est-à-dire des maladies et infections transmises des animaux l’homme. Beaucoup sont d’origine bactérienne et parasitaire. Mais ce sont celles virales qui nous intéressent aujourd’hui et en particulier les plus récentes apparues depuis l’année 2000 et qui ont provoqué des épidémies ravageuses dans nos rangs.

    Année après année,  leurs virus  ont pu être identifiés, les pathologies qu’ils provoquent  analysées et les réservoirs probables de ces virus localisés. En voici un bref résumé :

    – 2003, SRAS-Co,  Infection respiratoire, 30 pays, 8 096 cas, 774 décès (9.6 %).

    • 2009, H1N1,  Grippe, 74 pays, entre 151 700 et 575 000 décès.
    • – 2012, MERS-CoV, Infection respiratoire, 15 pays du Moyen-Orient, 937 cas, 342 décès (27 %).
    • 2014,  Filiovirus Ebola, Fièvre hémorragique,  24 pays environ, taux  de mortalité  50%.
    • 2020 SARS-CoV-2, Codiv-19, Infection respiratoire, 150 pays, pandémie en cours. A ce jour 165 000 décès.

    D’où proviennent ces virus ? Comment se sont-ils propagés dans les populations humaines et quels étaient les agents de cette propagation ?

    Hors le MERS-Cov du Moyen-Orient qui semble avoir été transmis par le dromadaire, les quatre autres sont probablement les descendants de virus présents chez les  Chauve-souris. Et ce de longue date. Ces animaux ont un système immunitaire qui les met à l’abri de bien des attaques virales, et dès lors constituent un réservoir d’où peuvent s’échapper des mutants qui s’avèreront des pathogènes plus ou moins redoutables pour d’autres Mammifères, en particulier ceux dont ils son proches par leur histoire phylogénétique, à savoir les Primates, les Rongeurs, les Tupayes et les Dermoptères. 

    Bien que les Chauve-souris ne soient pas des animaux spécialement proches de nous dans la vie courante, tout indique que dans les périodes récentes plusieurs de leurs virus nous ont contaminés… et ce n’est pas fini ! D’autres épidémies d’origine virale sont à craindre dans un avenir proche, et elles n’auront pas toutes pour réservoir une chauve-souris. 

    Cependant il y a un préalable à toute épidémie de ce type qui jusqu’ici n’a fait l’objet que d’hypothèses et conjectures sans réellement trouver de réponse satisfaisante : comment se fait-il qu’un virus jusque là reclus chez les Chauve-souris (800 espèces) s’en échappe et nous contamine  ?

    La première réponse, qui est la mienne mais que beaucoup partagent, est que depuis la Révolution Industrielle, notre Terre s’est singulièrement rétrécie. Nous voici plus de 7 milliards d’individus, tous plus empressés et avides les uns que les autres d’exploiter les ressource de notre  planète, se déplacer, échanger des personnes et des biens. Les distances entre humains et entre humains et animaux se sont réduites, favorisant les échanges certes, mais TOUS les échanges, y compris les maladies, en particulier celles d’origine virale et animale, autrement dit les zoonoses. 

    Une étude récente que j’ai évoquée récemment (https://scilogs.fr/histoires-de-mammiferes/quels-mammiferes-sont-les-principaux-agents-de-contamination-de-nos-maladies-virales/) dresse un bilan du risque viral que nous encourons à court terme (3). Ces chercheurs constatent d’abord que le nombre de virus pathogènes d’origine animale est proportionnel au nombre d’espèces les plus fréquentes et au nombre d’individus de chacune d’entre elles, en particulier celles qui se sont le mieux adaptées aux paysages urbains, agricoles et industriels façonnés par l’homme. Pour eux, tous les animaux domestiques, et aussi les Primates, les Chauves-souris et les Rongeurs sont les plus susceptibles de nous transmettre des virus pathogènes  Par ailleurs, l’exploitation de la faune sauvage, sa chasse et son commerce, ainsi que la réduction des espaces de vie  des animaux sont des facteurs qui facilitent leurs contacts avec les humains, et donc la transmission de leurs pathogènes. 

    Dans la propagation de la pandémie due au SARS-COV-2, on a envisagé que des chauve-souris aux humain, les pangolins en vente sur le marché de Wuhan avaient transmis le virus aux amateurs de cette viande sauvage, qui ensuite s’était répandu entre humains avec les conséquences que l’on sait. Sans directement remettre en cause ces conclusions, un chercheur vient de suggérer la possibilité que de par ses qualités immunologiques, le virus originel de la Chauve-souris BatCoV pourrait avoir tout aussi bien été accueilli par des  chiens, lesquels l’aurait transmis aux humains (4). Rappelons que les chiens comme les pangolins sont au menu de la cuisine orientale. Et les autorités chinoises si elles ont de fraiche date interdit la consommation de viande sauvage, n’ont pas étendu l’oukase à celle des chiens et des chats. Pour autant, on ignore encore quel ou quels mammifères, domestiques ou sauvages, ont transmis le virus de la COVid-19.

    Mais alors quels Mammifères sont-ils les plus susceptibles de nous contaminer ? Pour répondre à la question les chercheurs cités livrent à notre réflexion le schéma ci-dessous. Il fait état de la  richesse en virus des mammifères sauvages (5335 espèces) et de celle des Mammifères domestiques (12 espèces). En premier (a) est figurée l’abondance des virus susceptibles de provoquer de la part des mammifères sauvages des zoonoses (maladies infectieuses des animaux transmissibles à l’homme). La surface de chaque cercle est proportionnelle au nombre d’espèces de chaque ordre (on a exclu les ordres les plus pauvres, moins de 2 % d’espèces). Le schéma (b)  illustre l’abondance en virus de zoonoses en rapport avec la richesse estimée en millions d’individus des  animaux domestiques. et  de celle des humains.

    F!g.2. Richesse en virus (% par ordres) chez tous les mammifères (nombre d’espèces) et chez les mammifères domestiques et les humains (millions).

    Les chercheurs ont constaté que de par leur proximité, ce sont les mammifères domestiques qui possèdent le plus grand nombre de virus présents aussi chez les humains. Dans l’état des connaissances, très incomplètes pour ce qui concerne la faune sauvage, il est possible d’affirmer que en moyenne  les animaux domestiques  sont le réservoir de 19.3 des zoonoses dues à des virus qui nous affectent (entre 5 et 31), alors que la faune sauvage n’est porteuse  que de 0.23 de ces mêmes zoonoses (entre 0 et 16).  

    Les 10 espèces de mammifères les plus menaçantes pour l’homme parce que porteuses de virus proches de ceux des êtres humains sont 8 espèces domestiques – cochons, bovins, chevaux, moutons, etc -, et 2 espèces sauvages, la souris des maisons et le rat noir, qui rappelons le sont en pleine expansion démographique dans nos villes. 

    Pour les animaux sauvages, trois ordres, les Primates, les Chauve-souris et les Rongeurs,  sont hôtes de la majorité (75.8 %) des zoonoses dues à des virus jusqu’ici décelés. N’oublions pas qu’ils rassemblent  72.7 % de toutes les espèces de mammifères.

    Au final, ce sont les populations de mammifères les plus nombreuses en individus qui sont le plus à risque dans la propagation des virus et leur transmission à l’homme, et ce sont aussi celles qui sont le plus en contact avec nous, soit au travers de la domestication, soit du fait de la réduction drastique de l’espace dévolu aux animaux sauvages par les activités humaines. 

    En conclusion, je souhaite revenir à l’exemple premier que j’avais choisi, celui de l’Epidémie de Fièvre Porcine de 2013 et comment elle a été jugulée : hygiène stricte, isolement des élevages, et raccourcissement drastique des circuits de distribution. Le tout sans vaccin. 

    Il est impératif que nous adoptions les mêmes règles : finis les circuits de distribution des biens alimentaires d’échelle mondiale, la surproduction et son corollaire le gaspillage, fini le tourisme de masse, fini le pétrole roi et ses industries  satellites qui sont toutes plus  polluantes les unes que les autres.

     Ce qui ne veut pas dire qu’il faille faire fi de la mondialisation et de la coopération internationale : c’est la Santé Publique qu’il faut mondialiser et rendre accessible à tous les Humains. 

    Un dernier mot : cultivons notre jardin, écoutons nous vivre les uns les autres. et n’oublions pas que nous sommes mortels.

    1. Des traces infimes de SARS-CoV-2 détectées dans les eaux non potables de la Ville de Paris nous apprend le Monde du 19 avril https://www.lemonde.fr/sante/article/2020/04/19/des-traces-infimes-du-sars-cov-2-dans-l-eau-non-potable-de-la-ville-de-paris_6037099_1651302.html
    2. Kissler et al. 2020. Projecting the transmission of SARS)CoV-2 through the postpandemic period. Science 10.1126/science.abb5793 (2020). https://doi.org/10.1126/science.abb5793

     3)  Johnson CK, Hitchens PL, Pandit PS, Rushmore J, Evans TS, Young CCW, Doyle MM. 2020   Global shifts in mammalian population trends reveal key predictors of virus spillover risk. Proc. R. Soc. B 287: 20192736. http://dx.doi.org/10.1098/rspb.2019.2736

       4) Xuhua Xia. 2020. Extreme genomic CpG deficiency in SARS-CoV-2 and evasion host antiviral defense.  Published by Oxford University Press on behalf of the Society for Molecular Biology and Evolution.http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/

  • Quels Mammifères sont les principaux agents de contamination de nos maladies virales ?

    Quels Mammifères sont les principaux  agents de contamination de nos maladies virales ?

    Le nombre toujours croissant d’humains sur Terre et leurs modes de vie rendent inévitable la propagation de nouvelles maladies. Les plus difficiles à combattre sont celles d’origine virale. On soupçonne que dans bien des cas les réservoirs des virus qui provoquent de  sévères pathologies chez les humains sont des mammifères sauvages ou domestiques porteurs sains de ces redoutables agents pathogènes. L’exemple des  plus récentes épidémies voire pandémies qui ont décimé les populations humaines ces dernières années en est la preuve. Année après année  ces virus  ont pu être identifiés, les pathologies qu’ils provoquent  analysées et les réservoirs probables des virus localisés. En voici un bref résumé :

    – 2003 SRAS-Cov  Infection respiratoire, Chauves-souris

    – 2009 N1N1,  Grippe,  Cochon

    – 2012 MERS-CoV, Infection respiratoire,  Dromadaire

    – 2014  Filovirus Ebola, Fièvre hémorragique, Chauve-souris

    – 2020 SARS-CoV-2, Codiv-19, Infection respiratoire Chauve-souris

    Il est certain que dans l’avenir nous subirons  de nouvelles attaques virales souligne un groupe de chercheurs. Pour nous en préserver, ils préconisent en premier lieu d’identifier quels animaux sont les plus susceptibles de nous infecter (1), et surtout invitent TOUS les organismes de santé  à travailler en synergie, aussi bien ceux qui observent les  populations animales que ceux dont la tâche est de  prévenir les  épidémies chez les humaines.  

    Ces chercheurs constatent d’abord que le nombre de virus pathogènes d’origine animale est proportionnel au nombre d’espèces les plus fréquentes et au nombre d’individus de chacune d’entre elles, en particulier celles qui se sont le mieux adaptées aux paysages urbains, agricoles et industriels façonnés par l’homme. Pour eux, tous les animaux domestiques, et aussi les Primates, les Chauves-souris et les Rongeurs sont les plus susceptibles de nous transmettre des virus pathogènes  Par ailleurs, l’exploitation de la faune sauvage, sa chasse et son commerce, ainsi que la réduction des espaces de vie  des animaux sont des facteurs qui facilitent leurs contacts avec les humains, et donc la transmission de leurs pathogènes. 

    Les échanges de virus peuvent aller dans les deux sens. Il y a quelques jours, on a découvert qu’un tigre du zoo du Bronx à New York était infecté par le SARS-COV-2 et atteint du Covid-19. C’est probablement un soigneur qui le lui a transmis.  D’autres tigres et des lions du même zoo  sont aussi contaminés. 

    Par ailleurs souvent des intermédiaires jouent le rôle de relais entre animaux réservoirs et populations humaines.

    Dans la propagation de la pandémie due au SARS-COV-2, on a pu montrer que des chauve-souris, aux humain, pangolins et d’autres avaient joué un rôle dans sa transmission à l’homme. Ce n’était pas la première fois que le phénomène se produisait : environ 60 % des maladies qui affectent les populations humaines sont d’origine animale. Comme la densité des populations humaines est élevée, en particulier dans les zones urbaines, les chances de propagation des germes pathogènes sont en perpétuelle croissance via le contact entre humains trop proches les uns des autres. 

    Rappelons d’abord que les mammifères sauvages comptent 5335 espèces et les mammifères domestiques une douzaine.

    Le schéma suivant fait état de leur  richesse en virus. En premier (a) est figurée l’abondance des virus susceptibles de provoquer de la part des mammifères sauvages des zoonoses (maladies infectieuses des animaux transmissibles à l’homme). La surface de chaque cercle est proportionnelle au nombre d’espèces de chaque ordre (on a exclu les ordres les plus pauvres, moins de 2 % d’espèces). Le schéma b  illustre l’abondance en virus de zoonoses en rapport avec la richesse estimée en millions d’individus des  animaux domestiques. et des humains.

    Fig. 1. Richesse en virus (% par ordres) chez tous les mammifères et chez les mammifères domestiques et les humains (millions) (d’après ref.1).

    Les chercheurs ont constaté que de par leur proximité, ce sont les mammifères domestiques qui possèdent le plus grand nombre de virus présents aussi chez les humains, Dans l’état des connaissances, très incomplètes pour ce qui concerne la faune sauvage, il est possible d’affirmer que en moyenne  les animaux domestiques  sont le réservoir de 19.3 des zoonoses dues à des virus qui nous affectent (entre 5 et 31), alors que la faune sauvage n’est porteuse  que de 0.23 de ces mêmes zoonoses (entre 0 et 16).  

    Les 10 espèces de mammifères les plus menaçantes pour l’homme parce que porteuses de virus proches de ceux des êtres humains sont 8 espèces domestiques – cochon, bovins, chevaux, moutons -, et 2 espèces sauvages, la souris des maisons et le rat noir, qui rappelons le sont en pleine expansion démographique dans nos villes. 

    Pour les animaux sauvages, trois ordres, les Primates, les Chauve-souris et les Rongeurs,  sont hôtes de la majorité (75.8 %) des zoonoses dues à des virus jusqu’ici décelés. N’oublions pas qu’ils rassemblent  72.7 % de toutes les espèces de mammifères.

    Au final, ce sont les populations de mammifères les plus nombreuses qui sont le plus à risque dans la propagation des virus et leur transmission à l’homme, et aussi celles qui sont le plus en contact avec nous, soit au travers de la domestication, soit du fait de la réduction drastique de l’espace dévolu aux animaux sauvages par les activités humaines. 

    Dans l’avenir, les organismes de santé dervont prêter autant d’attention à la surveillance  des populations animales que des populations humaines. Au quotidien et sur le terrain, ce sont vétérinaires et médecins qui doivent mieux collaborer. 

    1. Johnson CK, Hitchens PL, Pandit PS, Rushmore J, Evans TS, Young CCW, Doyle MM. 2020 Global shifts in mammalian population trends reveal key predictors of virus spillover risk. Proc. R. Soc. B 287: 20192736. http://dx.doi.org/10.1098/rspb.2019.2736