Tout hôte d’un chat connait la propension de son compagnon pour les boites. Quelle que soit la taille et la destination première, contenant d’objets alimentaires ou domestiques avec une préférence pour les boites à chaussures, à peine la caisse de carton est-elle libérée que la voici occupée par le Maitre des lieux. Car ne l’oublions pas, nul n’est propriétaire d’un chat. Tout juste son compagnon, souvent son obligé. Et notre belle langue française le sait bien qui accorde un statut janusien à ce mot : l’hôte comme le chat reçoit ou est reçu, au gré de son humeur et du temps. Tiens un autre mot qui a plusieurs visages…
Mais pourquoi donc les chats aiment-ils se mettre en boite ?
Confinement aidant, un groupe de chercheurs canadiens nous éclairent sur ce goût prononcé du carré et de la boite que manifestent ces petits félins (1).

Les auteurs de cette étude ont obtenu la collaboration de centaines de confinés n’ayant alors pour principale occupation que d’observer et filmer dans leur logis les va-et-vient de leurs chats, puis de communiquer ces errements par twitter. Pour assurer la neutralité de l’expérience, le protocole exige en premier que les observateurs-cinéastes chaussent des lunettes noires afin de ne pas influencer du regard les animaux. Par ailleurs; au sol, en différents endroits du logis, seront dessinés des contours illusoires du type carrés de Kanizsa.
Né à Trieste, Gaetano Kanizsa (1913-1998), théoricien de la psychologie, a eu l’idée pour étudier les processus psychologiques de perception de l’espace d’une série de tests dits triangles ou carrés de Kanizsa qui depuis sont devenus des outils classiques. Comme illustré plus bas, confrontés à ces images, nous voyons un triangle ou un carré blanc, mais c’est une illusion car ni l’un ni l’autre n’existe…et pourtant cette vision subjective fait fonction de repère. .

Dans le cas de la série d’expériences compilées par les chercheurs à partir des vidéos de leurs correspondants, c’est les choix des chats pour faire une pose dans leurs pérégrinations à travers le logis qui ont été notés. : choisissent-ils préférentiellement de siéger dans les carrés de Kanizsa ? Sont-ils sensibles à cette illusion ?
Au total si 500 chats et leurs compagnons bipèdes débutèrent l’expérience, seulement 30 couples de ces Mammifères poursuivirent l’expérience de façon soutenue pendant 6 jours. On ne sait lesquels des deux furent les plus inconstants ! Malgré ce faible échantillon et alors que seulement 9 chats ont régulièrement choisi de faire une pose au moins 8 fois dans le carré de Kanizsa, les promoteurs de l’étude concluent que de leur point de vue les chats sont sensibles comme les humains à cette illusion. Ils ajoutent que c’est la première fois que l’on expérimente nos compagnons dans leur environnement familier et sans aucune contrainte, tout à fait l’inverse des conditions d’observation en laboratoire ou l’on ne peut nier que les chats sont d’une façon ou d’une autre stressés.

Il s’avère donc que les chats sont sensibles au carré de Kanizsa dans un environnement en 2D.
La prochaine étape sera sans doute une expérimentation dans un environnement en 3D. Mais déjà une association d’amis des félins en captivité a offert une petite idée du résultat dans une vidéo. Dans cette compilation où des emballages de différentes tailles ont été confiés en plusieurs lieux à des félins de moyenne et grande taille, on peut constater que tous, lions, tigres, panthères et autres, reçoivent ces cadeaux avec joie et même enthousiasme. Ils se plaisent à se dissimuler dans ces fragiles refuges, à en jouer et un peu les déchiqueter…mais c’est dans leur nature ! Prudemment aucun de ces « gardiens de zoo » si bien intentionnés ne s’est aventuré jusqu’à partager leurs jeux. Et la musique sautillante qui accompagne leurs ébats dans cette vidéo est bien sûr un fond sonore d’appoint.
youtube.com/watch?v=J11uu8L8FTY
(1) G. E. Smith, P. A. Chouinard, S. Byosiere 2021. If It fits I sits: A citizen science investigation into illusory contour susceptibility in domestic cats (Felis silvestris catus). Applied Animal Behaviour Science. Volume 240, July 2021, 105338 https://doi.org/10.1016/j.applanim.2021.105338