« Sauvez les éléphants » est un slogan écolo qu’il est fréquent d’entendre dans les  pays riches. Mais vivre avec les éléphants est-il facile lorsqu’on  les côtoie au quotidien ? En Afrique la question se pose chaque jour (1). 

Voici un siècle on estimait à une dizaine de millions la population des ces pachydermes. 50 ans plus tard  il n ‘en restait plus qu’environ 1. 3 millions et aujourd’hui les estimations les plus optimistes envisagent qu’environ un demi million d’éléphants vivent en Afrique. Ce sont surtout les éléphants de savane qui sont menacés à court terme d’extinction aux dires de l’Union Internationale de la Conservation de la Nature alors que les éléphants de forêt, espèce distincte, eux sont considérés dans un état critique depuis 1980. Le braconnage pour leur ivoire est la première cause de cet effondrement démographique : chaque année, plus de 100 000 éléphants sont abattus pour leurs défenses. Heureusement depuis 2013, la lutte contre ce fléau s’est avérée efficace, en particulier depuis que le gouvernement chinois a interdit le commerce de l’ivoire sur son territoire.

Mais c’est un fragile succès aux dires des gens de terrain, et ce pour deux raisons : la « soif » d’ivoire de l’Asie et d’ailleurs peut à tout moment se réveiller ; en Afrique, la cohabitation éléphants – humains est devenue problématique en bien des régions, y compris celles qui abritent des parcs nationaux de conservation des espèces. 

Des aménagements  ont été réalisés qui permettent aux animaux de se déplacer dans les campagnes aux travers des cultures et villages pour aller d’un point d’eau à un autre ou d’une zone de pâturage à une autre comme ici illustré. 

Une éléphante guide ses jeunes vers un point d’eau dans le Pac National de Tsavo au Kenya. Photo Lucy King. Réf.  1. 

Il n’empêche que la cohabitation éléphants-humains est difficile. Ce ne sont pas seulement deux appétits de végétaux qui s’affrontent mais aussi des modes de vie, l’un débridé et fantasque, l’autre celui d’êtres qui se considèrent les maitres du Monde à la démographie plus que soutenue, envahissante. 

L’exemple du Kenya est éclairant sur le sujet. Dans les années soixante dans ce pays vivaient environ 8.6 millions d’habitants sur une superficie de 590 000 km2, un peu moins que la France. En 2021 ils étaient 55 millions et la population continue de s’accroitre en même temps que ses besoins vitaux et d’espace. Les cultures et les pâturages se sont donc étendues, les voies de communication densifiées et les éléphants n’en ont cure. Les cantonner dans leurs réserves est quasi impossible.

Pour réduire les conflits, les autorités chargés de la conservation du patrimoine animal proposent de nombreuses solutions et c’est ainsi que sous l’égide de sa directrice Lucy King le programme « Humains-éléphants » propose une véritable boite à outils avec pas moins de 80 recettes pour protéger les cultures. Deux exemples en sont donnés ici. Dans ces cas les auxiliaires des agriculteurs sont des cailloux et abeilles. 

Pour mettre à l’abri des trompes et donc de la soif de leurs voisins les citernes d’eau, des paysans ont disposé un pavage de rocailles et cette méthode s’est largement répandue dans le pays.

Quant à la protection des cultures, des ruchers suspendus à des poteaux s’avèrent très efficaces, en particulier pour garantir de la gourmandise éléphantine  les champs de tournesols en les clôturant de la sorte : les éléphants n’aiment pas les piqures d’abeille.  Qui plus est ces ouvrières bénévoles  donnent du miel, une nouvelle ressource alimentaire qui peut aussi être commercialisé : « Mangez du miel d’éléphants ! ». 

D’autres méthodes, clôtures électriques à énergie solaire, alarmes sonores avec des cloches, et aussi des mottes de crottin imprégnées de chili réparties de ci de là sont aussi des protections efficaces. Ci dessous une brique de crottin imprégnée de poivre  puis précuite s’avèrera très efficace par combustion lente pour éloigner les pachydermes.

On peut constater que qu’il s’agisse de rocailles, abeilles, énergie solaire ou de bouse, ce sont là des productions très naturelles non polluantes à court, moyen et long terme. Au demeurant des ruses très humaines auxquelles Ulysse aurait pu recourir ! 

Ce programme qui a pour nom Ecoexist  (https://www.ecoexistproject.org)

envisage d’accorder aux communautés qui vivent proches des éléphants des cartes de crédit « carbone » utilisables sur les marchés locaux à titre de compensation des dégâts que leurs cultures subissent régulièrement Ce type d’indemnisation est agréé par les sociétés qui participent aux projets d’économie renouvelable pour compenser leurs émissions carbone. 

Il n’empêche que vivre aux côtés des éléphants n’est pas facile.Tous ceux qui ont vu leurs jardins ravagés par une orde de sangliers le comprendront…

  1. Anthony Ham. 2023. Smithsonian Magazine. Inside the Effort to Prevent Conflict Between Humans and Elephants in Africa http://links.si.mkt6346.com/els/v2/WNLaSPA043sW/MnZiUnlUa2haM2xiMHFOUTltSTlwUnZzM0hTYUExNkxzRVRmbUNXL3hxVTg1dHFMUjBkNVB4WjZEdjdQVlRZalg3Nlo3N2drT3p3cUVkZGdOWWlrVmZpVk1MblMyKzJhbGxOdWoraElROUZmeGpidENMT2RLZz09S0/