Un agneau OGM s’est retrouvé précipité dans l’industrie bouchère et au final sur ses étals d’où il a disparu pour se réfugier dans le panier de consommateurs non avertis qui sur le champ l’ont dégusté. L’incident de parcours s’est produit au mois d’aout 2014. C’est d’un laboratoire de l’INRA d’où la petite bête s’est échappée. Elle avait nom Rubis et sa maman était porteuse d’un gène de méduse qui exprimé chez la fille rend fluorescentes certaines cellules du corps. C’est une technique de marquage classiquement utilisée pour localiser et suivre le parcours des médications, en particulier sur les organes lésés. De telles expériences sont conduites depuis de nombreuses années dans divers laboratoires de part le monde.

 

Agneau bondissant avec une bonne assiette. Photo credit: Aaltair/Shutterstock
Agneau bondissant avec une bonne assiette. Photo credit: Aaltair/Shutterstock

Le problème est que si l’agneau est réputé comestible, et même de bon goût, la méduse l’est moins. On peut toujours se rassurer en se disant que les cellules marquées par l’apport d’un brin de gène de méduse seront dégradées à la cuisson. Mais alors pourquoi a-t-il fallu attendre le mois de juin 2015 pour que cette erreur de parcours transpire dans la presse ? Probablement parce qu’en France nous n’aimons pas les végétaux OGM et encore moins les animaux OGM. Pourquoi ?

Aux yeux du public, les biotechnologies qui permettent d’obtenir ces êtres vivants « augmentés » ne doivent pas sortir du laboratoire et encore moins venir se glisser dans nos menus. Cette méfiance est-elle justifiée ? Certains ne prétendent-ils pas qu’après tout loin d’être des apprentis sorciers, les scientifiques qui produisent ces êtres transgéniques ne font que bousculer les lois naturelles de l’évolution de la vie, précipiter des transformations du vivant bénéfiques au mieux être de tous ? Et il en est qui soutiennent qu’après tout les modes de fabrication d’organismes génétiquement modifiés d’aujourd’hui ne sont guère éloignés des techniques anciennes de sélection artificielle qui ont permis aux humains, et ce depuis la nuit des temps, de fabriquer  toutes celles et ceux que nous qualifions aujourd’hui d’espèces « domestiques ».

Un petit rappel s’impose sur ce que fut et reste ce que l’on qualifie de «  sélection artificielle » dans le sabir darwinien.

 

Dans les écrits de Darwin sur la sélection artificielle on trouve ces phrases : « Mais quand nous comparons le cheval de trait et le cheval de course, le dromadaire et le chameau, les différentes races de moutons adaptées à la terre cultivée ou à la pâture de montagne, la laine d’une race bonne pour un usage et celle d’une autre race bonne pour un autre usage ; quand nous comparons les nombreuses races de chiens, chacune bonne pour l’homme en des manières très différentes… Nous ne pouvons pas supposer que toutes les espèces ont soudainement été produites dans cet état parfait et utile que nous connaissons aujourd’hui ; en effet, dans plusieurs cas, nous savons que ce n’a pas été leur histoire. La clé est la puissance de l’homme de la sélection accumulative : la nature donne des variations successives : l’homme  AJOUTE dans une certaine direction ce qui lui est utile. C’est en ce sens qu’on peut dire qu’il fait des races qui lui sont utiles. »

J’ai mis en exergue « ajoute ». Il n’est pas synonyme de crée. Darwin n’a jamais imaginé qu’un jour il en est qui souhaiteraient fabriquer des néo êtres vivants pourvus d’organes aux qualités et vertus jamais vues parce qu’on aurait « augmenté » une espèce définie de quelques caractères empruntés à d’autres espèces très différentes. Dolly non plus ne faisait sans doute pas partie d’un des programmes qu’il aurait engagé. Le programme de Darwin tient en quelques mots :  comprendre la mécanique qui fabrique le vivant et en tirer partie en IMITANT la sélection naturelle. Tout aussi extraordinaire voire monstrueux qu’il paraisse, et même hors du temps, le boeuf bleu belge par exemple fait partie de son programme. Pour construire  cette usine à viande sur pattes, il a suffi de faires des croisements qui ont favorisé l’émergence er la multiplication dans les élevages d’une lignée chez qui s’exprime une mutation  naturelle devenue héritable qui provoque des redoublements de fibres de la masse musculaire. https://www.youtube.com/watch?v=hS2sQ8_Gnds

 

Bœuf bleu belge grognon
Bœuf bleu belge grognon

Il en est de même des centaines de races de chiens qui toutes ont été façonnées par des croisements qui ont sélectionné les « meilleurs » loups, du moins ceux qui ont été jugés tels.

La sélection artificielle n’innove pas. Elle favorise chez les lignées de quelques espèces l’expression et l’héritabilité de certains caractères UTILES. Suivant les modes et le moment, ce sera la couleur du pelage, la longueur des naseaux, l’aptitude à l’arrêt des chiens de chasse, le nombre de poils et leurs densité chez les moutons , lamas, et bien d’autres.

 

Darwin se serait-il privé pour autant des manipulations génétiques pour la seule raison qu’elles engendrent des monstres ? Certainement pas. L’exemple ci dessous emprunté à « l’US Food & Drug Administration, Health Information » montre l’un parmi d’autres des bénéfices que l’on peut retirer de ces techniques qui contribuent à fabriquer des êtres hybrides que ni la sélection naturelle ou artificielle ne peuvent faire naître et prospérer pour notre bien : la fabrication à grande échelle de certains médicaments.

 

Exemple de manipulation génétique à fin thérapeutique. Emprunté et traduit d’un document de l’US Food & Drug Administration.
Exemple de manipulation génétique à fin thérapeutique. Emprunté et traduit d’un document de l’US Food & Drug Administration.

 

On notera que du début à la fin le protocole est sous contrôle…et pas question de bouffer de la chèvre ni de boire son lait dont on retire les éléments souhaités pour fabriquer un remède obtenu par purification du lait. Il est donc des monstres vertueux parce que maitrisés.

 

Mais que dire à ce stade de la production en masse d’animaux (mammifères et poissons) destinés à la consommation et nourris de végétaux OGM voire nés de manipulations génétiques ?  Etant entendu que ces consommateurs en herbe et autres granulats ne font jamais cuire leurs aliments, il ne doivent pas venir dans nos assiettes sans que au minimum nous soyons informés de leurs conditions de naissance et d’élevage. La méfiance à leur endroit doit être la règle, justifiée par l’absence d’études préalables sur les conséquences à long terme d’une alimentation qui laisserait une place à la viande et au poisson nourris aux OGM, ou pire d’animaux nés d’hybridations génétiques. S’il est des matamores qui soutiennent que nous devons faire fi de nos peurs et que tout simplement nous devons apprendre à dompter tous les monstres, ce sont là rodomontades d’ignorants.