Une méthode de stérilisation des chattes par injection unique intramusculaire d’une hormone trans-gène vient d’être mise au point. Elle permettra un meilleur contrôle des populations de chats domestiques devenues pléthoriques dans tous les pays et qui ravagent les populations sauvages de mammifères, oiseaux, reptiles, voire jusqu’aux insectes (1).
On estime que de nos jours 600 millions de chats, Felis catus, courent de par le monde, et 80% d’entre eux sont revenus à l’état semi sauvage. Les dégâts que provoquent sur les faunes sauvages terrestres ces petits prédateurs mettent en péril toutes les populations animales, en particulier dans les pays comme l’Australie qui avant leur introduction par les européens n’avaient pas abrité de carnivores d’une telle voracité, ou dans ces onze îles du Japon qui comptent largement plus de chats que d’humains.

Pour ravissants, doux et plaisants qu’ils paraissent, les chats sont des prédateurs redoutables et qui semblent insatiables : tout bien considéré, leurs victimes chaque année se comptent en dizaines de millards !
Dans des chroniques précédentes j’ai eu l’occasion de disserter sur leurs méfaits et les méthodes pour tenter de les modérer (2,3). Mais j’évoquais alors des subterfuges très « urbains », surtout qui impliquent que les hôtes bipèdes de nos chers petits félins restent vigilants au quotidien et contrôlent leurs allées et venues, gageure inaccessible.
Dans certaines cités, les autorités proposent la stérilisation massive et systématique de ces animaux par des moyens chirurgicaux. Mais bien de leurs compagnons humains y répugnent tant l’on ne peut nier le rôle social de ces petits animaux dans nos sociétés : que ce soit auprès des personnes âgés, des adultes ou des plus jeunes, le lien social qu’ils entretiennent par leur attitude et leur comportement font qu’ils sont partie intégrante des familles. Et on les invite même en milieu hospitalier pour tenir compagnie aux malades. Aussi est-il difficile d’exiger de leurs hôtes humains qu’ils envisagent des thérapies castratrices visant certes à réguler les naissances, mais dont la conséquence directe et visible est de priver les animaux des joies de la vie et de l’amour, mettent fin souvent à leurs joyeuses gambades et sonores sorties nocturnes.
Il n’empêche que le problème de leur pullulation demeure.
Pour contrôler la prolifération d’espèces sauvages, plusieurs types de vaccins ont déjà été testés avec succès au même titre que d’autres méthodes non-chirurgicales comme celles qui utilisent les analogues des stéroïdes sexuels qui jouent un rôle barrière dans l’émission de l’hormone de la gonadotrophine (GnRH). Au fur et à mesure des recherches, il n’a cependant pas été prouvé que ces injections avaient un effet à long terme et pouvaient palier aux méthodes chirurgicales. Mais les progrès récents réalisés pour les humains dans l’usage d’une autre technique liée à la thérapie génique ont changé la donne : une injection unique d’hormone trans-gène à la base de la queue permet de stériliser à vie les chattes.
Cette aventure scientifique a débuté par la découverte d’un contraceptif efficace chez les mammifères dans le laboratoire de David Pépin situé à Harvard près de Boston (Massachusetts). En étudiant l’hormone de croissance de la couche de cellules qui entourent un ovule de mammifère et pour en savoir plus sur la fonction de l’hormone, l’équipe de recherche a injecté en excès à des souris femelles le gène qui la produit. A leur grande surprise ils ont constaté chez les animaux testés que ces injections les rendaient stériles. Ils en ont conclu qu’ils avaient là découvert à cette occasion un outil qui pouvait s’appliquer pour stériliser d’autres mammifères, en particulier les chats et les chiens. Et ils ont entrepris de collaborer en particulier avec le zoo de Cincinnati qui héberge aussi bien des grands félins, tigres et lions, que des chats de tout type, en particulier une colonie de 45 chats domestiques.
C’est bien sûr avec des chattes que l’expérimentation s’est poursuivie, neuf au total. Six reçurent une dose d’hormone génique couplée à un virus bénin alors que trois constituaient le groupe de contrôle.
Il a été constaté que le génome des chattes n’était pas modifié. Mais l’action du gène injecté a inhibé le développement des follicules de l’ovaire, et de cette façon les six chattes ont été stérilisées alors que les trois du groupe de contrôle ont mis bas des portées.
Dans la suite de l’expérimentation, des prélèvements réguliers dans l’urine et les crottes des chattes ont permis de suivre le niveau de concentration de l’hormone et on a pu constater qu’il restait élevé plus de deux ans après la première injection.
Pour autant il ne faut pas se réjouir trop vite : ces études sont préliminaires et avant qu’un produit fiable soit disponible chez les vétérinaires, il se passera du temps, un ou deux ans au moins.
- Vansandt, L.M., Meinsohn, MC., Godin, P. et al. Durable contraception in the female domestic cat using viral-vectored delivery of a feline anti-Müllerian hormone transgene. Nat Commun 14, 3140 (2023). https://doi.org/10.1038/s41467-023-38721-0
2) https://histoires-de-mammiferes.blog/2021/03/01/pour-nos-chats-carnem-et-circenses/
3) https://histoires-de-mammiferes.blog/2014/09/29/trop-de-chats-en-suisse/