La gent trotte menu a son langage. Mais il nous est inaudible car c’est par ultrasons que les souris de nos maisons conversent. Grâce aux technologies modernes, il est possible d’enregistrer, analyser et comprendre certaines de ces vocalises. Et il s’avère que le sexe tient une grande place dans leurs conversations. Il y a un temps où mâles et femelles papotent entre eux et entre elles. Mais dès qu’il s’agit d’amour, c’est d’un tout autre registre dont usent les un.es et les autres, à moins que ce ne soit l’inverse (1).
« Cri de souris » est une expression populaire si triviale qu’elle n’a de sens que pour nos oreilles : ces stridulations ne sont émises par nos minuscules hôtes qu’en cas de danger imminent, de surprise, voire de terreur, et destinées à décontenancer un adversaire de taille., comme illustré ci dessous, qui s’empressera peut-être de répondre sur le même ton.

Ce n’est pas de ces débordements sonores publics qu’il va être ici question. Mais à l’inverse, des conversations très privées et quotidiennes des souris de nos maisons, Mus musculus musculus, que notre Jean de la Fontaine a si souvent mis en scène et fait dialoguer, bien qu’il ignorât tout de leurs grammaire et lexique. A l’impossible nul n’est tenu, le talent suffit.
Aujourd’hui il est devenu possible, si ce n’est de leur prêter l’oreille, au moins d’enregistrer leurs discours et leurs chants dans des studios construits et équipés à leur mesure. Ainsi au fil des ans, on s’est aperçu que la richesse des vocalises de la gent trotte menue était toute aussi variée que celle des oiseaux https://www.youtube.com/watch?v=_P2MtDNWX0Y
De là à dresser un répertoire des expressions courantes, de la grammaire et de la syntaxe que révèlent ces phonogrammes très précis, les chercheurs ne s’en sont pas privés. Jusque par des imitations cibler les réactions que telle ou telle vocalise suscite dans le petit peuple des caves et greniers.
Cette quête, un peu à l’aveugle il faut bien l’avouer, rappelle celle qu’a exercé certaine agence de renseignement, la CIA, sur les émissions sonores codées des sous-marins soviétiques au temps de la guerre froide sans jamais y comprendre goutte…Mais les éthologistes rodentologues sont plus malins que les soit disant espions, qu’il viennent du chaud ou du froid. Car eux d’abord n’ont pas de doute : les souris ne fomentent aucun complot, et si elles discutent, c’est pour échanger des propos qui engagent leur vie courante. Autrement dit, leurs discours par essence doivent être intelligibles. C’est d’ailleurs ce que révèle l’analyse de leurs vocalises que l’on peut ranger en deux catégories : il y a un temps où on papote entre gens de même sexe ; un autre où l’on s’adresse à l’autre, autrement dit où l’on parle d’amour. Deux vocabulaire, deux syntaxes, deux grammaires bien différents. Et la diversité des signaux sonores répertoriés dans les phonogrammes en témoignent.
Comme chez nous, il y a des Callas et des Pavarotti qui savent de faire entendre et écouter de tous. Et puis des choristes dont les talents ne sont pas négligeables. Il n’empêche que la majorité du peuple des souris sans être silencieuse n’est guère loquace, et a un registre peu étendu.
Mais au fait talent oratoire et succès reproductif sont-ils corrélés ? La question reste ouverte.
(1) Zala SM, Reitschmidt D, Noll A, Balazs P, Penn DJ (2017). Sex-dependent modulation of
ultrasonic vocalizations in house mice (Mus musculus musculus). PLoS ONE 12(12):
e0188647. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0188647