C’est une histoire humaine à relents bibliques, comme de bien entendu dit la chanson…

Voici quinze ou vingt mille ans en çà certain radeau porta aux confins Pacifique un petit rat plein d’ambition. Il échoua sur une île dédiée plus tard au juge Salomon, réputé comme on sait pour sa jugeote. Le migrant de hasard y trouva tant de pitance inexploitée qu’il grossit, grossit et quadrupla en poids tout rat des îles et continents voisins. Végan par nécessité plus que vertu, il s’est nourri de noix de coco : à force d’exercice, il est parvenu à pratiquer une œillère au cœur de leur coque pour s’ouvrir les délices du lait et de l’amande non imposable et qui s’y cache. Tout bénef !

Tout allait pour le mieux sous ces cieux paradisiaques jusqu’à ce début de millénaire où ses exercices dentaires furent repérés par un jeune savant en mal de projet de recherche: « Quelle aubaine ! Si j’arrive à montrer qu’existe en ces lieux reculés une bestiole inconnue de la Zoologie, à moi la gerbe de reconnaissance accompagnée de la trompette de renommée qui l’accompagne ! ».

Et voici le futur savant issu d’une université huppée arpentant les brisées du dit rat. De jour comme de nuit. En vain d’abord. Et puis la chance lui sourit, et il peut surprendre et se saisir d’un spécimen de cette engeance ignorée, la mettre en cage pour ensuite la soupeser, la mesurer, la photographier, apprécier la couleur de ses selles et autres humeurs, et surtout lui décrypter les chromosomes .

Uromys vika de l’île Vanguna (1 kg, longueur du corps 50 cm) et les restes de son menu. Credit: Velizar Simeonovski, The Field Museum of Chicago
Uromys vika de l’île Vanguna (1 kg, longueur du corps 50 cm) et les restes de son menu.
Credit: Velizar Simeonovski, The Field Museum of Chicago

 

Hélas, la bestiole succombe, sans doute fatiguée de ce trop d’attention. Et il ne reste au candidat savant qu’une issue : nouveau Ponce Pilate, il clame son innocence et en apporte les preuves sous forme de photos et interviews, croquis anatomiques, et écrits dans des revues savantes, après bien sûr avoir nommé suivant les règles de Linné le défunt animal. Aujourd’hui ses restes, crâne et pelage, reposent dans un Museum célèbre, et son génome est immatriculé à la Banque Mondiale du Gène (1).

 

Réjouissons nous, la Science a fait un pas de plus sur notre Terre, et avançons jusqu’à ses limites : le vide se rapproche.

 

 

(1) Tyrone H Lavery; Hikuna Judge. A new species of giant rat (Muridae, Uromys) from Vangunu, Solomon Islands.

Journal of Mammalogy, September 2017, gyx116, https://doi.org/10.1093/jmammal/gyx116