Staten Island est l’un des faubourgs de New York séparé du New Jersey voisin par un détroit d’une quinzaine de km de large. Moins de 500 000 résidents vivent sur ces 150 km2 par ailleurs très agrestes et boisés. Et on ne peut douter que ces banlieusards friqués soient presque tous des amoureux de la nature : ils ont le privilège de vivre à la campagne, dans une zone très aérée, à deux pas de la plus prestigieuse et cosmopolite métropole au monde, ses facilités et ses plaisirs, où se pressent et même s’entassent 8 millions de leurs concitoyens moins gâtés par le sort.

Staten Island est en bas à gauche. La végétation y est très dense à dense, l’urbanisation faible. Plus au Nord, sur l’ile de Manhattan, on peut distinguer le rectangle verdoyant de Central Park. (Photo Nasa)
Staten Island est en bas à gauche. La végétation y est très dense à dense, l’urbanisation faible. Plus au Nord, sur l’ile de Manhattan, on peut distinguer le rectangle verdoyant de Central Park. (Photo Nasa)

 

Pourtant depuis quelques années, des nouveaux venus leur donnent des boutons : plus d’un millier de cerfs y ont trouvé asile, et sans prédateur s’y multiplient. Devenus très familiers au fil des années, presque arrogants, n’hésitant pas à piétiner les plates bandes d’un peu tout le monde, ils chapardent jardins d’agréments publics et privés, se promènent un peu partout à tout heure du jour et de la nuit, se souciant peu des embouteillages et carambolages qu’ils ne manquent pas de provoquer.

Les cerfs et biches de Staten Island dans leur milieu naturel
Les cerfs et biches de Staten Island dans leur milieu naturel

Leur histoire a débuté quand quelques cerfs et biches du New Jersey ont nagé et franchi le détroit pour faire souche dans l’île voici une vingtaine d’années. D’abord discrets, ils se sont égayés dans les forêts et guérets, et bien sûr s’y sont multipliés. Leurs voisins bipèdes des pavillons et villas les ont dans un premier temps fort bien accueillis. Des associations se sont formées pour les protéger, les observer, éventuellement leur porter secours quand des automobilistes imprudents leur coupaient la route et les blessaient. Un fond de secours a même été créé pour leur venir en aide.

 

Mais leur démographie quasi galopante font qu’ils causent aujourd’hui bien des soucis. Ils étaient quelques dizaines il y a 20 ans, un comptage aérien effectué en 2014 en a dénombré 763, et aujourd’hui ce sont plus d’un millier de cerfs, biches et leurs faons qui s’ébattent et se multiplient dans Staten Island où ils sont devenus moins sympathiques aux yeux de la population. Au point que les autorités locales envisagent des mesures drastiques pour limiter et même réduire le nombre de cervidés de l’ile. Et après avoir étudié la question, elles envisagent d’établir un programme sur plusieurs années visant à stériliser les mâles, et seulement les mâles.

 

Dans d’autres pays, en particulier le notre, d’autres solutions auraient été privilégiées. La première, et la plus évidente, serait de demander à quelques Nemrod d’éclaircir régulièrement les rangs des indésirables, et de se régaler de leurs cuissots. Une deuxième serait d’inciter les biches à prendre des pilules contraceptives. C’est ainsi qu’aujourd’hui sont contrôlées les naissances de nos chiens et chats. Et pour les cervidés dont la période de rut est annuelle, la distribution des contraceptifs pourrait s’effectuer en suivant son rythme.

Mais nous sommes à New York et :

  • la chasse est interdite dans tous les faubourgs de l’agglomération newyorkaise à moins de dérogations coûteuses pour organiser les battues.
  • les activistes qui défendent les droits des animaux sont très… actifs, et probablement anti pilule, et les autorités hésitent à les affronter.

 

Alors, du moins dans dans un premier temps, les commanditaires du programme de contrôle des naissances des faons de Staten Island proposent de poser des colliers munis d’un signal GPS sur le col des grands cerfs afin d’identifier les plus actifs lors du rut. C’est ceux-là qui seront stérilisés en premier. L’opération s’étalera sur 3 ans. Pour la première année, ce sont pas moins de 2 millions de dollars qu’ils sont prêts à débourser, c’est le cas de le dire. Ce qui a provoqué sarcasmes et moqueries des universitaires spécialistes en écologie qui avaient été consultés dans un premier temps, avaient avancé des propositions plus pragmatiques, moins onéreuses et surtout moins invalidantes : les techniques de contrôle des naissances chez les Mammifères sont aujourd’hui parfaitement maitrisées et d’un cout modique. Aussi, on ne peut que partager leur dépit.

En attendant les résultats d’une expérience qui a toute chance de virer au fiasco, pour conclure en chanson tout en restant à la campagne, je propose ce petit air de Country :

https://www.youtube.com/watch?v=Dip54axBnIs