Rançon de la modernité parmi d’autres, on nous apprend que l’orang-outan, menacé d’expulsion de son habitat naturel par le saccage de ses forêts, s’est mis à pied de son plein gré : descendu de ses arbres, on le voit de plus en plus souvent fièrement campé sur ses pattes de derrière fréquenter le plancher des vaches (1).
Longtemps il a cru défier l’avenir en s’accrochant aux branches, à Sumatra et Bornéo où il vivait paisiblement. Mais le bucheronnage des bois précieux et les plantations de palmier à huile ont peu à peu « raison » de la canopée où il vit. En 1990 la surface boisée de Bornéo couvrait 364 000 km2 de sa superficie. Il en reste 45 000, et rien ne semble ralentir la destruction de cette forêt tropicale, comme hélas tant d’autres.

D’une certaine façon les scientifiques qui fréquentent les orang-outan au plus près depuis des décennies cherchent à nous rassurer : jetés à terre, ils sauront se débrouiller, et acceptent déjà sans contrepartie de quitter leur territoire. Nouveaux charlots, c’est à pied qu’ils prennent la route pour, espèrent-ils, gagner de nouveaux horizons.
Cette fable moderne aurait pu se construire autrement si les deux parties, nous et les singes, avaient eu l’occasion de se rencontrer autour d’une table de négociation. Imaginons le dialogue entre ces partenaires sociaux d’espèces si différentes :
Nous : « Si vous acceptez de descendre des arbres, en échange seront construits sur les aires dénudées des portiques avec trapèzes et cordes lisses, mats de cocagne et poutres d’équilibre ; dans le voisinage, nous assurerons aussi la fourniture d’une alimentation équilibrée faite de croquettes vitaminées et de bon goût. »
Eux : « Topons la. Pourrions-nous être aussi assurés d’un suivi pédagogique pour nos jeunes. Futurs piétons, ils sont peu informés des risques qu’ils encourent. »
Et pourquoi pas à l’issue de la table ronde proposer aux plus habiles des CDD rémunérés de bucherons ?
Les vidéos que je recommande illustrent les aptitudes à la marche des orang-outan, libres ou en captivité. Attention, il y a un piège : certains des acteurs sont porteurs de sac à dos. Ils appartiennent à une autre espèce.
https://www.youtube.com/watch?v=3RvJU8UnHKI
https://www.youtube.com/watch?v=4tBz52jnNr0
Pour en savoir plus :
(1) Brent Loken, Chandradewana Boer and Nunuk Kasyanto. Opportunistic behaviour or desperate measure? Logging impacts may only partially explain terrestriality in the Bornean orang-utan Pongo pygmaeus morio. Oryx, available on CJO2015. http://dx.doi.org/10.1017/S0030605314000969
