Dans la livraison de Novembre de Pour la Science consacrée à « l’odyssée humaine », l’anthropologue Blake Edgar signe un article : « La monogamie, un atout pour notre espèce ». Mais, peut-on en dire autant à l’échelle de l’individu ? Son observance se concrétise-t-elle en l’assurant des meilleures chances de procréation et de succès reproductif ? On peut en douter. Parodiant Staline qui ne s’inquiétait guère du danger que pouvait représenter le Vatican en ironisant « Le pape, combien de divisions ? », posons la question : « La monogamie, combien de descendants ? ».
Une réponse indirecte est venue voici une dizaine d’années de la part de généticiens (1). Ils ont identifié en Asie une lignée par son chromosome Y mâle qui présente des caractéristiques rares. Elle est reconnue dans 16 populations réparties en Asie depuis le Pacifique jusqu’à la Caspienne chez 8% des hommes. À l’échelle mondiale cela représente 0.5% de cette population, soit un homme sur 200. Tous les indices sont réunis pour leur permettre de conclure que cette lignée est apparue voici un millier d’années en Mongolie, et qu’elle est la descendance lointaine des ancêtres mâles de Gengis Khan et de ses fils : 16 millions d’individus vivants aujourd’hui.
L’histoire nous dit qu’effectivement le conquérant mongol était d’un activisme sexuel peu commun. À cela s’ajoute le fait que pour lui et ses fils, le viol était un acte de guerre parmi d’autres. Mais aussi, l’histoire nous rapporte les massacres dans les populations conquises : les mâles de toutes les classes d’âge étaient systématiquement exterminés. À l’activisme sexuel s’est donc ajouté celui de l’épée. D’où une « sélection sociale » qui a favorisé la lignée Gengis Khan. Il est certain que même les pires criminels, s’ils sont monogames, ne s’assureront jamais d’une descendance aussi nombreuse, au point de rivaliser avec celle d’un des plus célèbres polygames de tous les temps : le Chef des Mongols.
(1) Tatiana Zerjal et al. 2003. The Genetic Legacy of the Mongols. Am. J. Hum. Genet. Vol. 72(3): 717–721. doi: 10.1086/367774